chroniques
Al Hoceima : les vérités cachées
L'Etat ne peut pas laisser s'installer une zone grise où la contestation, légitime par ailleurs, devient un bras de fer permanent qui vise en premier à ébranler l'autorité de l'Etat et de ses représentants. Il faut savoir dire stop, dans l'écoute, la proximité, mais aussi avec fermeté sur les principes
La contestation, les manifestations sont un droit démocratique inaliénable. Les débordements violents, l'attaque de policiers sont des actes qui relèvent du pénal et peuvent donner lieu à des sanctions judiciaires. Mais ce qui se passe à Al Hoceima est d'une nature encore plus troublante.
Depuis le discours d'Ajdir, le Rif et l'Oriental ont été au centre de toutes les politiques publiques. Les projets structurants se comptent par dizaines et ont permis à cette région, non seulement de rattraper un retard réel, mais de devenir l'une des régions les mieux équipées du Maroc. Le désenclavement a permis un boom économique et le développement d'un réel dynamisme. Il n'y a donc, de manière objective, plus de raisons de maintenir le discours sur le Rif banni, puni pour son histoire. Parce que la réalité a changé et que cette région est même devenue prioritaire dans les politiques publiques. Que subsistent des revendications catégorielles cela va de soi. Mais il est intolérable que ces revendications soient colorées d'un quelconque particularisme. Il est honteux que lors de ces manifestations de moins en moins contrôlées par les organisateurs, certains lèvent le drapeau amazigh. On peut réclamer plus d'attention du pouvoir central pour sa région mais sans ce genre de chantage ridicule.
La réaction des autorités pose aussi problème. A chaque fois qu'un responsable local est critiqué, il "saute" dans l'heure qui suit, parfois à raison mais surtout à tort. Certains croient qu'ils peuvent imposer à l'administration centrale le choix de ses représentants à la tête des services extérieurs. Des cadres craignent d'y aller. Même quand il s'agit d'une promotion. C'est une vérité et il faut que cela cesse.
Les forces de police ont beaucoup plus de retenue qu'ailleurs. On ne peut que saluer leur sang-froid, mais pas quand une vingtaine de leurs membres sont blessés et que par-dessus tout, on les accuse d'avoir tiré des balles en caoutchouc. Force doit rester à la loi. C'est un principe intangible de l'Etat de droit, il s'applique à tous et partout.
L'Etat ne peut pas laisser s'installer une zone grise où la contestation, légitime par ailleurs, devient un bras de fer permanent qui vise en premier à ébranler l'autorité de l'Etat et de ses représentants. Il faut savoir dire stop, dans l'écoute, la proximité, mais aussi avec fermeté sur les principes. Ce n'est pas un appel à la répression, loin de là, mais un appel à la restauration de l'autorité de l'Etat, dans le cadre du droit.
Le Rif a été pendant longtemps abandonné au niveau des infrastructures. Les seules activités florissantes étaient illégales. La contrebande est pratiquement morte suite au démantèlement douanier. Mais parce que j'y vais régulièrement, on voit beaucoup d'investissements privés qui ont eu lieu créant ainsi des emplois, de la richesse. Ce n'est pas la Finlande mais qui peut comparer Hoceima ou Nador à ce qu'elles étaient il y a quinze ans.
La jeunesse rifaine est omniprésente dans le tissu associatif, c'est une vraie richesse pour la citoyenneté. Il est de la responsabilité de ces associations de mieux encadrer leurs membres, non par autocensure, mais pour l'idéal patriotique. Cela commence par le respect de l'Etat de droit et de l'Etat tout court. Car c'est la loi qui libère et l'anarchie qui opprime.