Enfance au Maroc: Le rapport accablant de l’UNICEF

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Une analyse de la situation des enfants au Maroc, faite par l’UNICEF, ne va pas avec le dos de la cuillère, et trace un tableau noir de l’enfance marocaine. Discrimination et violences seraient le lot des enfants sous notre ciel. Dixit l’Unicef. L’Analyse de Situation des Enfants sur le Maroc a été rédigée entre février et juin 2015. Aperçu.

Elle commence par un résumé offrant une vue d’ensemble des principales conclusions des recherches sur les conditions dans lesquelles vivent les enfants, les tendances, les événements actuels, les difficultés auxquelles les enfants sont confrontés dans le pays, le contexte politique et la responsabilité politique envers les enfants.

L’organisation onusienne reconnait quand même que selon la loi marocaine, tous les enfants ont les mêmes droits, sans discrimination aucune. Mais déplore toutefois la persistance d’une discrimination fondée sur la situation matrimoniale des parents au moment de la naissance de l’enfant. Précisant que plus d’un million de Marocains ne sont toujours pas inscrits à l’état civil. Ce chiffre englobe les membres appartenant à 53 430 ménages sans actes de mariage légal et 154 799 personnes ayant dépassé le délai réglementaire d’inscription à l’état civil. Un nombre important d’enfants abandonnés après l’accouchement sont également absents des registres.

Dans la pratique, selon le travail de l’Unicef, les enfants nés hors mariage, les enfants abandonnés, les enfants handicapés et les enfants migrants sont fréquemment confrontés à diverses formes de discrimination. Plusieurs normes, coutumes et pratiques justifient et perpétuent la discrimination et les violences à l’égard des filles comme les mariages précoces et forcés.

Selon la loi marocaine, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération primordiale dans toutes les mesures prises à l’égard de l’enfant par les institutions publiques ou privées, les tribunaux ou les autorités administratives.

Dans la pratique, ce droit ne serait pas suffisamment respecté, que ce soit dans le cadre familial, à l’école, dans les tribunaux et dans d’autres institutions qui travaillent avec ou pour les enfants. D’après les rédacteurs de l’analyse, il y a peu ou pas de progrès dans certains domaines essentiels liés à la survie et l’épanouissement des enfants, en particulier dans les zones rurales.

Les espaces dédiés aux activités sportives et de loisir sont très limités, voire inexistants, dans certaines régions du pays.

Interdit mais toléré, le travail de l’enfant

La disponibilité et l’accessibilité des services d’éducation, de santé et de protection sont insuffisantes ou inexistantes dans le milieu rural. Malgré son interdiction, il existe une grande tolérance envers le travail des enfants.

Selon les statistiques officielles, le travail des enfants âgés de 7 à moins de 15 ans concernait 69 000 enfants en 2014 (contre 86 000 en 2013). Il est à noter que le travail domestique des enfants, notamment le travail de « petites bonnes », n’est pas comptabilisé dans ces statistiques.

La liberté d’expression, de pensée, de conscience, de religion et d’association est en principe garantie à tous les enfants. Cependant, la loi ne permet pas à une personne de moins de 18 ans de se constituer en association ou en ONG formelle et de gérer un compte bancaire.

Par ailleurs, au sein des familles, la liberté d’expression des enfants est très limitée par des normes et valeurs traditionnelles.

Environnement familial, soins alternatifs et mesures spéciales de protection

La mesure de protection de l’enfance reconnue au Maroc est la Kafala, ou prise en charge d’un enfant abandonné jusqu’à l’âge de la majorité, soit par une famille d’accueil soit par une institution.

La loi de la Kafala ne reconnait aucun droit de filiation à l’enfant makfoul (l’enfant pris en charge). Il n’existe pas d’autres alternatives de placement des enfants sans famille ou en situation difficile.

Aucune loi ne règlemente les Familles d’Accueil ou les Maisons de Type Familial. La mesure la plus courante est l’institutionnalisation dans des EPS (Etablissements de Protection Sociale), dans des Dar Atfal (Maison d’Enfants) ou dans des CPE (Centres de Protection de l’Enfance).

La qualité de la prise en charge des enfants au sein de ces centres est insuffisante et, dans certaines institutions, les pratiques vont à l’encontre des droits fondamentaux des enfants.

L’insuffisance d’instruments de contrôle aggraverait lourdement la vulnérabilité des enfants accueillis.

Ces institutions accueillent un large panel d’enfants : les enfants en conflit avec la loi, les enfants en situation difficile, abandonnés, orphelins, compris migrants, issues de familles pauvres ou déstructurées, les enfants des rues et les enfants victimes d’abus.

La loi n’interdit pas explicitement les châtiments corporels qui sont très répandus comme mesure disciplinaire dans les familles, les écoles (malgré plusieurs circulaires) et les institutions pour enfants.

Au Maroc, il n’existe pas de loi consacrée à la traite des personnes. La définition du délit de traite est absente du Code pénal. La pratique de la traite des personnes est sanctionnée à travers des délits tels que le blanchiment d’argent.

La protection des victimes et des témoins dans le domaine de la justice reste théorique. Une révision du Code pénal est en cours de finalisation et contient des dispositions relatives à la traite. Le projet englobe également des articles concernant la protection des victimes et témoins.

Il est impossible de savoir avec précision le nombre d’enfants victimes de traite ou si les cas sont plus répandus parmi les marocains que les migrants étrangers.

Le nombre d’enfant victimes de traite identifiés par le gouvernement est inconnu, de même que le nombre de petites filles exploitées pour des travaux domestiques, ou de garçons dans l’agriculture ou l’artisanat au Maroc.

Le Code du Travail règlemente le travail des enfants de plus de 15 ans, en les protégeant contre les pires formes de travail, mais le travail domestique n’en fait pas partie. L’exploitation des enfants dans le cadre de la mendicité est encore courante au Maroc.

Les dernières estimations concernant le nombre d’enfants des rues au Maroc s’élèvent à près de 25000 enfants sans domicile fixe, dont un quart vit à Casablanca.

L’offre de services de protection de ces enfants est fragmentée et insuffisante, et elle dépend souvent exclusivement d’associations. Des enfants des rues et des jeunes en conflit avec la loi ont été victimes de torture et de traitements inhumains.

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