Argent et négociations avec soi

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Penser l’argent ne fait pas parti des choses simples de la vie, vivre un manque est encore plus difficile, il faut donc essayer de rester fidèle à soi tout en essayant de ne pas succomber à ses pulsions dépensières, certes humaines, mais beaucoup trop sollicitées par la société d’aujourd’hui

L’argent dans les liens familiaux ? Vaste programme qu’on va tenter d’appréhender brièvement. Dès l’enfance, lorsque les parents subviennent à nos besoins, nous sommes comblés. Mais arrive toujours un jour où l’on réalise qu’on les voit « trimer » quotidiennement. Ils se disputent aussi parfois, autour des questions d’argent. Alors l’argent commence à être perçu comme un enjeu relationnel essentiel.

Il  n’est alors, rien que pour ça, plus du domaine de l’abstrait comme dans la petite enfance, mais désormais quelque chose qui peut-être amené à manquer : Il perd donc sa fonction sécurisante qu’on lui croyait, et les parents quittent ainsi la sphère idéalisée dans laquelle l’ingénuité infantile les a placés. L’enfant pourrait dès lors se tromper sur la fonction de l’argent : Pour ces raisons, il faut toujours insister auprès des enfants sur l’importance de faire de l’argent un « moyen » et pas un but en soi.

Mais l’argent ne restera pas toute la vie un sujet abordé sous l’aile protectrice des parents. A la majorité, nous sommes amenés à devoir en gagner par nous-mêmes. Le « jeune » regardera alors d’avantage sa propre vie, les parents faisant ainsi partie de sa vie d’avant. Un détachement s’opère.

L’argent continue néanmoins de tenir un rôle central : pour financer les études, l’appartement, les factures de téléphones etc. Plus les parents en ont, plus les domaines où leur argent opère est vaste et dense dans la vie du jeune adulte. Et il est certain que cette aide participe au confort personnel de la progéniture.

Quand les manques s’installent

Mais quand les parents n’en n’ont pas les moyens, des manques  s’installent, des manques qui donneront parfois lieu à des tourments  et des reproches, tacites ou explicites, de la part des enfants envers leurs parents. Les enfants ne comprennent pas parfois une telle rupture, qui plus est peut paraître sentimentale, émotionnelle. Les relations peuvent ne plus jamais être les mêmes. Parfois, lorsqu’il s’agit d’argent, ou pour moins que cela, les enfants ne veulent plus entretenir les mêmes relations avec leurs parents. Car pour eux, les parents devraient être une ressource illimitée de petits conforts et réconforts. Et lorsque ce type d’apports diminue (l’argent en l’occurrence), les enfants peuvent se sentir diminués voire relégués à un rang qui n’est pas le leur.

Mais continuité de dons ou pas,  viendra toujours le temps où se sont les parents qui deviendront dépendants de leurs enfants, parfois financièrement, ou pas. C’est ce qui s’appelle grand âge. A ce moment là, nous pouvons très bien être choisis au sein de la fratrie comme l’enfant qui prendra soin des parents. Et ce même si nous n’avons pas toujours été l’heureux bénéficiaire de leur générosité.

Dans tous les cas, satisfait ou pas,  c’est dans ce contexte d’économie qu’il est important pour l’enfant de trouver sa propre indépendance, d’en profiter pour déterminer ses propres limites face à la vie, sans que cela ne devienne de l’indifférence. Ce qui souvent nécessite l’aide et le soutien de l’ascendance. Car c’est aussi une force, de se sentir aimé quoi qu’il en soit, et d’agir dans ce sens même, pour puiser sa force dans la vie, profiter de cette étape de la vie pour trouver sa voie dans un ailleurs moins familier et par conséquent qui nous rend moins dépendants, donc plus autonomes.

Cette étape où l’on s’occupe de ses parents âgés s’articulera également autour des questions d’argent. Car nous nous occupons parfois des parents chez nous, à nos frais. Et l’argent a et aura toujours un effet libidinal sur les êtres humains. D’ailleurs, lorsqu’arrive le jour où l’on hérite de l’argent, malgré le fait qu’on n’en n’ait pas besoin, ou que l’on n’en manque pas, on finit par trouver le moyen d’en réclamer, de réclamer sa part en tout cas. Dire que l’on n’est pas concernés par les questions d’argent revient à être dans le déni, peut-être  même dans de l’hypocrisie.

Ce jour-là, s’il arrive, il faut savoir que l’argent de l’héritage règlera certaines de nos dettes, et assurera ainsi le maintien de nos liens d’argents et de continuité de dons avec nos parents. Mais parfois il n’y en pas, ou  bien, il n’y en n’a pas assez. Parfois, nous devons régler les dettes de nos parents etc.

Qu’il y en ait assez ou pas, ceci mettra certainement toujours en avant des règlements de comptes entre frères et sœurs, et cette énergie est une énergie libidinale importante, voire même parfois un désir de représailles, de vengeance, si des blessures existent.

Néanmoins il ne faut pas que cette galère, la galère de l’argent, devienne le moyen de panser des blessures, une absence, ou un mal être. Il est vrai que se battre donne l’impression « d’être vivant », mais rester accroché à une relation familiale avec des objectifs purement financiers ou que trop peu relevant du sentimental, n’est pas une chose simple, car cette impression qu’il vous reste encore des choses à faire dans cette altérité n’est parfois qu’illusoire.

Parfois, il faut savoir prendre du recul, voire même son envol, comme dans les relations fraternelles trop conflictuelles autour de l’argent. Il faut parfois essayer de comprendre l’autre, il faut essayer de comprendre qu’on ne peut pas rester  accroché à ce lien, comme si l’on était que de tout petits enfants encore… Sans pour autant couper tous les liens.

Pour votre lecture personnelle, le sujet de cet article est abondamment discuté dans le livre de Nicole et Bernard PRIEUR, La famille, l’argent, l’amour, Albin Michel, 2016

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