La petite bonne du parlement au supermarché

5437685854_d630fceaff_b-

1
Partager :

cb515108-2c41-4dd1-bdc5-4e98289bc75f

J?ai beau compatir en voyant la fillette du supermarch?, ni elle, ni ses proches, ne sont du m?me avis que moi

La fillette peine ? faire avancer un chariot qui d?borde. Elle l?abandonne, de temps ? autre, pour courir derri?re des enfants remuants, qui se faufilent entre les rayons du supermarch? et lui filent malicieusement d?entre les doigts. Madame est occup?e au t?l?phone. Elle parle sans doute ? une voisine de l?air du temps ou du parfum ?ponyme que son cher et tendre ?poux lui a offert pour son anniversaire. Personne ne pr?te attention ? ce spectacle affligeant. Elle apostrophe la fillette pour lui intimer d?un air peu am?ne de faire plus attention ? sa prog?niture. L?incrimin?e ne doit pas d?passer les douze ans, cela ne semble d?ranger personne, ?a fait partie du paysage.

Ailleurs on d?bat du texte gouvernemental sur les petites bonnes?: embauche interdite avant seize ans. Scandale crient les associations, et le respect de l?enfance?? Et la scolarit? de ces filles?? Pas question, pas avant dix-huit ans?!

Essouffl?e, la fillette pousse toujours le chariot qui ne finit pas de s?alourdir. Je ne peux manquer de penser aux travaux forc?s, mais je suis sans doute hors sujet. Elle a juste l??ge pour jouer et peut-?tre lire un conte si elle en a l?occasion, mais elle pousse ce maudit chariot que sa ma?tresse ne finit pas de bourrer. Elle ne pense pas, elle est juste pein?e de pousser. Elle ne sait pas que des gens d?battent d?elle ailleurs. Elle n?a pas id?e du texte en question ni du d?bat, ses parents non plus. Elle les verra ? la prochaine f?te, mais ils discuteront surtout d?argent, pas de mariage, elle n?a pas ses r?gles encore, sa m?re a v?rifi? la derni?re fois lorsqu?elle a ressenti des douleurs, c??tait rien, juste des crampes.

Regards divergents, temps historiques d?cal?s

Parvenus ? la Caisse du supermarch?, la fillette est toujours, l?, elle veille ? vider le chariot pour le remplir ? nouveau apr?s le r?glement. La ??patronne?? a toujours le t?l?phone coll? ? l?oreille, c?est ? peine si un ou deux clients sont intrigu?s, les autres, des ma?tresses de maison pour la plupart, sont press?es, la rupture du je?ne n?est pas loin, il faut faire vite.? Je m?interrogeai sur le degr? d?humanit? des regards en pr?sence et je me rendais compte que le regard est une culture, qu?il porte en lui une fa?on d??tre dont na?t un jugement. Je suis scandalis?e, mais ?a ne change rien ? l?affaire, les gens autour de moi ne le sont pas. C?est comme si nous ne vivions pas les m?mes temps historiques et du coup n??prouvons pas les m?mes ressentis. Ce sont des femmes elles-m?mes, avec leurs conjoints, qui? exploitent de telles fillettes en bas-?ge, ni les uns ni les autres ne semblent g?n?s par un tel ?tat de choses.

Une soci?t? plus qu?in?galitaire, fragment?e

Ces temps historiques d?cal?s ne sont pas le simple produit de formations culturelles diff?rentes,?dont l?une serait moderne et l?autre traditionnelle. Ils sont d?abord le produit d?un d?calage spatial et ?conomique. Les m?nages ruraux, form?s dans leur majorit? de paysans pauvres, voient leurs enfants exclus tr?s t?t de l??cole qui, vu leur indigence, ne saurait repr?senter un enjeu int?ressant. Ils sont alors accul?s ? ??louer? leurs enfants en ville pour une rentr?e de liquide plus s?re. La forte f?condit? dans ces milieux, s?explique d?abord par l?investissement que repr?sente l?enfant, comme force de travail et source de gain. Nous sommes donc loin, dans ces parages, de consid?rations humanitaires, la n?cessit? faisant loi. Il faut bien vivre, et la seule fa?on de le faire quand on n?a pas de terres, pas d??coles, pas d?avenir, c?est de fructifier le seul capital que consent la nature?: sa prog?niture?! Le rapport ? l?enfant pr?valant ici n?a rien ? voir avec celui des classes moyennes urbaines ou celui des quartiers hupp?s.

La loi du parlement et la loi d?airain

J?ai beau compatir en voyant la fillette du supermarch?, ni elle, ni ses proches, ne sont du m?me avis que moi. Nous ne sommes pas dans les m?mes dispositions, du fait m?me que nous appartenons ? des temps historiques diff?rents. C?est le cas aussi du l?gislateur et des associations qui d?fendent la cause des petites bonnes. La loi est n?cessaire, elle se doit d??tre humaniste pour traduire les bonnes dispositions, les bonnes intentions de l??lite quant au v?cu malheureux des jeunes filles et des moins jeunes en question. Cela fait partie des enjeux ? venir, du projet d?une soci?t? soucieuse de tous ses membres.

Mais, en aucun cas, ces bonnes intentions ne doivent nous faire oublier que sur le terrain, la situation est tr?s difficile et que c?est l? qu?il est urgent d?agir, en veillant ? pourvoir du n?cessaire ces m?nages mis?rables qui produisent les petites bonnes. La solution est certes dans le r?am?nagement de la loi, mais elle est surtout dans l?am?lioration des conditions d?avenir des d?munis. Sans cela on aura beau voter ce qu?on veut, le temps historique d?cal? sera encore l? et les in?galit?s flagrantes avec.?

Tout ?a pour???!

lire aussi