Communiqué du Cabinet royal : Le coureur et le lièvre

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Benabdellah qui a oublié ses contes d’enfants, ne sait plus que tout flatteur vit aux dépens de celui qu’il flatte

L’évènement est assez rare pour ne pas être souligné. Nabil Benabdellah, en sa double qualité de ministre et de secrétaire général du PPS a été rappelé à l’ordre par un communiqué du Cabinet. Il avait mis en cause dans une interview le conseiller du souverain, Fouad Ali El Himma, sans le nommer, dans ce que Abdalilah Benkirane, au lieu d’avancer un programme électorale en bonne et due forme, a pris l’habitude d’appeler « attahakoum », sa façon à lui de désigner « la main mise du Makhzen » sur tout ce qui bouge en politique ou en économie dans ce pays.

Une sortie aussi directe exprime un agacement extrême et le sentiment que le discours du trône du 20 août dans lequel le roi a invité les partis à ne plus mêler l’institution monarchique aux querelles partisanes, n’a pas été suffisamment bien compris. Il exprime aussi cet agacement devant ce credo sournois « d’attahakoum » qui sous entend que si le PJD ne remporte pas haut la main les législatives, c’est qu’elles sont truquées.

Le communiqué, au ton très sévère cette fois-ci, a tenu à remettre à sa place sans prendre des gants un Nabil Benabdellah emporté par le lyrisme rhétorique du chef du gouvernement ainsi que par son désir effréné de « rebeloter » au gouvernement. Le Cabinet royal a toutefois pris la peine de faire le distinguo entre le secrétaire général et son parti. Cette différenciation n’est pas fortuite.

Le PPS de Ali Yata, fondateur et patron du parti jusqu’à son décès en août 1997, a joué, en dépit de sa faible dimension populaire, plusieurs rôles dans l’histoire du Maroc, mais essentiellement pendant la décennie préparatoire de l’alternance consensuelle (1990 -1998). Pendant que la direction de l’USFP peinait à convaincre sa base d’aller au gouvernement et de voter les projets des constitutions de 1992 et 1996 et que l’Istiqlal y allait à reculons, les cadres de l’ex-parti communiste s’époumonaient dans toutes les tribunes pour inviter les composantes de la Koutla à franchir le Rubicon ici et maintenant et sans condition. Ce zèle lui a même valu d’être mis pendant un moment au ban de cette coalition qui regroupait alors les partis de l’opposition.

Avec un peu d’effort on peut encore retrouver les sémillants plaidoyers participationnistes de Nabil Benabedallah dans les débats d’Alternatives que l’usfpéiste Abdelali Benamour avait créée pour pousser dans ce sens. C’est, entre autres, cet enthousiasme qu’il partageait avec son parti qui motivera les autorités pour leur fabriquer des groupes parlementaires, et par la suite, en sus de sa proximité avec des conseillers du souverain, à faire de lui un ministre de la communication en 2002, sept mois à peine avant les attentas islamistes de mai 2003. Il est alors dans les petits papiers du Makhzen, comme ils disent.

Formé à l’école marxiste, il n’est pas seulement par définition anti-islamiste, mais il l’est déclaré et c’est à la suite de ces évènements qu’il donnera toute sa mesure dans la polémique avec les barbus, prenant souvent des accents éradicateurs. Mais alors que s’est-il passé entre temps pour qu’il en devient l’allié siamois ?

En 2007, arrive un nouveau premier ministre, Benabdellah cède sa place à un autre camarade, Khalid Naciri, mais il est aussitôt nommé ambassadeur du Royaume à Rome. Et là, patatras. Un malheureux incident signe son rappel hâtif à Rabat. Il en conçoit une grande amertume et quelques rancœurs. Le chômage qui s’ensuit ne l’aide pas à en calmer l’aigreur.

Il réussit néanmoins à rebondir en prenant la tête du parti. Désormais il est aux aguets et attend l’occasion de renaître de ses cendres. Les élections de l’après nouvelle constitution lui en offrent une d’or avec l’arrivée du PJD et la décision de l’USFP de ne pas intégrer le nouveau gouvernement. Ce qui lui permet de placer plus de ministres que sa représentativité ne permet.

Se pose alors la question qui fâche : Comment un parti de culture communiste, historiquement en état de guerre avec eux, peut-il cohabiter avec les islamistes ? La réponse est toute trouvée : Modérer et moderniser l’islamisme. Louable intention qui se perd en cours de route. Mais c’est à l’inverse qu’on assiste.

Après avoir coupé les ponts avec ce qui restait de la Koutla, Benabdellah qui est convaincu que son parti n’existerait plus en dehors du gouvernement, s’accroche au PJD et à ses thèmes et devient le porte-voix de Benkirane. Bien mieux, il renchérit. Et pour le remercier pour son zèle, le chef du gouvernement lui apporte son soutien devant les militants et cadres du PPS et le flatte en leur lançant : « si moi j’ai beaucoup supporté dans ce gouvernement, Nabil en a encore plus souffert que moi ». Et Benabdellah qui a oublié ses contes d’enfants, ne sait plus que tout flatteur vit aux dépens de celui qu’il flatte. Alors il applaudit, omettant sciemment qu’il a fait du PPS une succursale du PJD et de lui-même un lièvre de Benkirane.

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