Le sanctuaire aux sept sépultures (1ère partie) – Par Abdejlil Lahjomri

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Le sanctuaire de Sidi Yahya Ben Younes à Chella, il est constitué de deux chambres l’une donnant sur l’autre.(Crédit photos Qudi.ma)

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Chella est un lieu habité. D’histoire. Et de spectres et légendes qui lui sont d’importants affluents. De mythes également, et de superstitions. Ensemble ils permettent de révéler ses non-dits et faire entendre ce qu’elle a d’indicible. Le site, ses pierres et ses secrets exercent sur Abdejlil Lahjomri un attrait obnubilant. Dans une précédente série de chroniques, le Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume s’est déjà attaqué à La mystérieuse stèle funéraire de Abou Yacoub Youssouf le Mérinide, regroupées dans un ouvrage comprenant d’autres textes consacrés à la plus impériale des villes impériales du Maroc*. Concluant que l’histoire de la capitale du Royaume est une histoire qui reste à écrire, ce n’est donc pas étonnant qu’il revienne aujourd’hui sur les lieux du récit dans une évocation des Esprits qui les peuplent. Son investigation en cours porte sur Sidi Yahya Ben Younes, mais pas seulement, comme s’en rendra compte le lecteur au fil de sa lecture. Dans cette première partie, Abdejlil Lahjomri pose le cadre de l’enquête, pave le chemin de la suite, installe les règles et interroge l’orthographe des mots et des noms à commencer par celui de Chella, résolument décidé à le restaurer dans sa graphie d’origine. 

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Il s’agit du sanctuaire du plus vénéré des sept saints de Chella, Sidi Yahia Ben Younes. Utiliser le nombre de sept dans ce cas est une concession à la croyance populaire qui veut que ce sont souvent   sept « patrons » qui protègent villes et cités, alors que beaucoup d’entre elles dont Chella, millénaire, sont peuplées d’une multitude de saints.  Les anthropologues et archéologues qui se sont intéressés dans le passé à ce site ont parlé eux d’une multitude de divinités. Et ce sont sûrement plus de sept sépultures qu’accueille l’énigmatique mausolée attribué au non moins énigmatique Sidi Yahia Ben Younes.

Mais avant de nous engager dans une aventureuse investigation pour découvrir ou finir, découragés, par ne pas découvrir qui est réellement le ou les mystérieux locataires de ce sanctuaire, interrogeons-nous sur comment en langue française s’écrit en définitive le nom de la cité (Chella), sans ou avec « h » (Chellah). La question est d’importance. Le promeneur dans Rabat se rend bien vite compte en lisant attentivement le nom des rues en inscription bilingue que la traduction de l’arabe au français ou du français à l’arabe révèle une imprécision regrettable et un détestable manque de rigueur.  Qui choisit les noms des rues, qui les traduit, qui les transcrit, qui les calligraphie, qui nous embarque dans tant de flottement et d’insécurité linguistique ? D’où vient ce « h » ? Les historiens sérieux qui ont écrit en langue française sur ce site, non les vulgarisateurs, les littérateurs, ni les bricoleurs ont tous utilisé Chella sans « h » et en langue arabe ce nom s’écrit ainsi شالا- شالة .       

Si la traduction comme discipline n’avait pas été supprimée de notre apprentissage des langues, nous n’aurions jamais rencontré dans notre paysage linguistique d’étonnantes confusions. Comme cette illustration choisie parmi tant d’autres pistées au cours de lectures disparates : des extraits d’une présentation historique des itinéraires culturels almoravide et almohade, qui se voulait édifiante, préfacée par un ancien ministre de la culture, et qui irriterait la patience de bien de lecteurs. Mais l’enjeu vaut le détour et la découverte est savoureuse par le ridicule qui émane de la désinvolture inconsciente de l’auteur, du traducteur et de l’éditeur. 

شلاه 

في موقع قريب من الرباط، على الضفة اليسرى من نهر أبو رقراق، ترتفع الآثار الفاخرة لمقبرة الشلاح الملكية المرينية، والتي تضم بقايا "صالا أنتيكا"

الا انها هجرت بعد غزوها من قبل الفاندال في العام 429, بقيت كدلك حتى القرن 13 عندما انبعثت شلا، التي سميت شلاح في النصوص العربية

ومن الجدير بالدكر أن شلاح كانت في القرن 14 منعزلا للمتصوفة من أمثال سيدي الحاج الجبوري اليابوري, المعلم الروحي لابن عاشر, ولي سلا 


Le texte original est sans aucun doute en langue étrangère, sûrement la langue espagnole. Sinon nous ne comprendrions pas d’où viennent ce « ه » et ce « h ». Le nom de Chella ne s’est jamais écrit en arabe شلاه ou شلاح.  L’auteur de ce texte et son traducteur ignorent-ils l’histoire des deux pays concernés (le Maroc et l’Espagne), au point de parler d’une « Sala Antiqua » que personne ne connaît. Dans quels textes ont-ils trouvé que شالا s’écrivait شلاح ? Nous n’en connaissons aucun. Il est légitime de supposer que cet auteur et son traducteur, militaient probablement dans la fondation El Legado Andalusi qui prend en charge ce type de publications et dont la visée de faire renaître l’héritage andalou est louable et enthousiasmante. Elle est encouragée par l’UNESCO et des historiens marocains de renom ont contribué à ses travaux et participé activement à ses ambitieux projets.  Comment se fait-il cependant que la vigilance de l’autorité chargée de la culture de l’époque et la perspicacité d’historiens exigeants aient ainsi laissé éditer une publication où figurent des erreurs aussi grossières. Il en est ainsi et Chella risque de continuer à s’écrire en français Chellah. Heureusement que la langue arabe rejette شلاح qui ne passe pas et la confusion dans ce cas s’arrêtera là avec peu de dégâts pour notre environnement langagier.

Ces confusions sont nombreuses. Si nous avons ouvert cette parenthèse c’est parce qu’elle concerne Chella et qu’elle nous engage dans un récit anthropologique de ce site plein de surprises et de confusions.  Comme par exemple celle qui veut que pour certains historiens le défunt enterré dans le sanctuaire dit de Yahia Ben Younes ne s’appelle pas Ben Younes mais Ben Youssef. Il serait le frère du sultan almohade Yacoub ben Youssef. Il suffit de changer le « n » par le « s » pour que la confusion s’installe et de confusion en confusion nous aurons une liste de candidats pour ce sanctuaire sans pour autant que la polémique agressive et violente qui avait opposé au siècle dernier les deux historiens Mohamed Mustapha Boujendar et Abdelhafid Ben Mohamed El Fassi à ce sujet n’ait apporté des éclaircissements convaincants.

Voici la liste non exhaustive, de ceux qui seraient enterrés dans ce mystérieux sanctuaire : 

-    un anonyme des temps anciens.

-    un apôtre du prophète Jésus Christ 

-    il serait Jean le Baptiste 

         -    Jean fils de Jonas 

  • Un juif de Castille dont le vrai nom est Jean Bendoucha 

  • Un compagnon de JC mais pas apôtre, qui malade, transporté sur son chameau ne s’est pas arrêté à Chella contrairement aux croyances mais à Oujda 

  • Un apôtre ayant annoncé l’apparition du prophète de l’Islam 

-    Un prophète d’entre les prophètes de la secte des Berghouatas 

-    Il serait Yahia Ben Youssef l’almohade 

-    Il serait un cadi de Grenade dont le nom est Yahia Ben Messaoud 

-    Un andalou anonyme

-    Un almohade anonyme 

-   Un savant de Fès dont le nom est Abdelkebir Ben Al Majdoub Ben Abdelhafid El Fassi.

Il y a ce que dit la mémoire populaire, il y a les légendes, il y a les mythes.  Il y a ce que disent les historiens. Mais les légendes peuvent éclairer l’histoire et conforter le récit historique national, n’en déplaise à l’historien Abdellah Essoussi qui affirme dans son « Histoire de Ribat Al Fath » :

« Les chercheurs qui ont écrit sur Chella mêlaient les événements de l’histoire aux légendes des djinns et aux superstitions des personnes âgées jusqu’à l’indécence. Ils empruntent souvent à quiconque exploite leur naïveté et les font croire aux mensonges qui n’ont rien avoir avec l’histoire ».

L’historien de Rabat se trompe. Les légendes et les mythes ont avoir avec l’histoire, font partie de l’histoire. La mémoire populaire, celle de ceux qu’il qualifie outrageusement de vieillards avides nourrit le récit national de survivances utiles à la compréhension des lieux et de ceux qui les ont habités.   Comme nous le verrons à propos des secrets de Chella et des sépultures du sanctuaire de Sidi Yahia Ben Younes. 

Nous verrons surtout que ces survivances sont l’histoire.

Toutefois le mystère ne s’arrête malheureusement pas avec la précédente liste.  Quand le visiteur s’aventure dans le sanctuaire de Sidi Yahia Ben Younes, il y comptera 16 tombes, deux possédant une épitaphe, le reste anonyme.  La légende s’épaissit et le visiteur dépité se trouve, impuissant devant l’impossible dévoilement des noms ou biographies des enterrés du mausolée de Sidi Yahia Ben Younes. 

 

*Le Rabat des origines, une histoire qui reste à écrire – Coédité par L’Académie du Royaume du Maroc et Quid.ma 

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