Aphorismes de Nouhad : Qui trop accuse, peu excuse ; et qui jamais n’accuse, tout excuse !

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J?accuse les intellectuels de ne jamais accuser, les dirigeants de ne rien r?cuser et le peuple de tout excuser?!

S?engager peut ne pas para?tre tr?s engageant, vu que l?engagement g?n?re des contraintes, des compromis, des sacrifices?Des frais que beaucoup d?intellectuels ne sont?pas pr?ts ? payer.

Dans tout engagement choisi ou subi, il y a la volont? et la d?claration de servir, mais l?engagement, cet acte par lequel on promet d?accomplir quelque chose et par lequel on se lie, change de sens, mais pas d?exigences, selon les domaines?:

Dans le domaine militaire, c?est un contrat par lequel une personne d?clare vouloir servir volontairement une arm?e, pendant une dur?e d?termin?e.

Dans le domaine du sport, l?engagement qui est synonyme de coup d?envoi, annonce le d?but du match. Pr?cis?ment au football, c?est l?action de remettre la balle en jeu apr?s un but.

En m?decine, c?est le franchissement du plan du d?troit sup?rieur du bassin maternel par le plus grand diam?tre de la pr?sentation f?tale.

En finances, c?est une phase obligatoire o? l?administration pr?voit une d?pense au budget. En comptabilit?, c?est l?ensemble des obligations envers des tiers. En ?conomie, l?engagement de mod?ration est l?accord aux termes duquel les entreprises conviennent avec les pouvoirs publics d?un pourcentage de hausse de prix maximal.

En philosophie, pour les existentialistes, l?engagement est l?acte par lequel l?individu assume les valeurs qu?il a choisies et donne, gr?ce ? ce libre choix, un sens ? son existence.

Pour ma part, contracter un engagement moral, c?est prendre le mal, qui s?vit partout dans le monde, au s?rieux, c?est t?moigner du respect pour l??tre humain qui devrait ?tre au centre de nos pr?occupations et de nos agissements. L?engagement d?un intellectuel, serait de prendre parti, sans ambigu?t?, ni partialit?, sur les probl?mes politiques ou sociaux, par ses discours et ses actes.

Cela suppose des prises de conscience, sans condescendance, des prises de position, avec des transitions, afin de constituer une partition homog?ne, coh?rente et harmonieuse. Personne, d?s lors, n?est excus? de ne pas agir, de ne pas s?opposer au mal, car ne pas s?y opposer, revient ? l?approuver et ? le prot?ger, ? l?encourager et ? le booster, ? l?aiguillonner et ? l?exalter.

Pas ?tonnant qu?on d?teste encore plus ceux qui ne font rien pour changer le mal alors qu?ils en ont le pouvoir, que ceux qui le perp?trent eux-m?mes. Au moins, ces derniers ne sont ni indiff?rents ni hypocrites, ni l?ches ni veules. Avoir de l?influence et refuser de changer les maux dont la terre regorge, ne pas intervenir en faveur de la justice, alors qu?on en a les moyens, sous pr?texte que ???a ne me regarde pas??, d?voile de l?insensibilit? et de l?inhumanit?, voire du sadisme.

Cela pose le probl?me du r?le de l?intellectuel et de sa morale, du ??v?ritable intellectuel?? et du ??faux intellectuel ?, le premier devant s?opposer au pouvoir corrompu, tout en gardant la conscience universelle, au-dessus de toutes les cur?es, de toutes les ru?es vers l?or ou de tout autre pouvoir, et le deuxi?me dont le m?tier est de conserver et de reproduire le savoir h?rit?, se mettant au service de l?int?r?t particulier car ?tant sans moralit? ni id?alit?.

En fait, la morale et l??thique universelles, creusent sans cesse le foss? entre les id?aux mondiaux et leur r?alisation, suscitant ainsi une crise de conscience, une crise du langage, une crise de la pens?e et ? fortiori, une crise de l?action, car comment tendre vers l?universel quand on est prisonnier du conjoncturel??

Selon Marx, il s?agit de transformer le monde et non seulement de se borner ? l?expliquer et ? l?interpr?ter. La notion de l?intellectuel engag? chez Sartre, inclut le devoir de tout philosophe et suppose de prendre part ? l?Histoire. Pour lui, il s?agit de d?placer la conscience ? la praxis.

La g?n?rosit? et l?altruisme, comme notions dues ? la libert?, peuvent ?tre les liens internes entre la pens?e et l?action, entre la th?orie et la pratique. Le choix -ou le refus de choix, lui-m?me choix- chez un ?tre humain, engage toute l?humanit? (la th?orie du papillon), engage sa vie et celle d?autrui, car il est capable de d?clencher une suite ininterrompue de conduites et de paroles, changeant non seulement le cours de son destin et de son histoire, mais ?galement ceux des autres, proches ou ?loign?s. C?est un choix -abstention, renonciation, oisivet? ou inertie- dont il devrait r?pondre ici-bas, avant l?au-del?.

Dans cette perspective, le silence, ce lourd couvercle qui opprime et tue, permet le camouflage et le d?guisement du mal en lui donnant l?occasion de se multiplier puisque passer sous silence certains comportements ou attitudes, constitue exactement le passage de la rive de l?inaction ou de la simulation, face au mal, ? la rive de la dissimulation et de la participation, effective, au mal.

Choisir le non-engagement, c?est choisir la passivit?, la r?signation, l?indiff?rence, la froideur, voire la cruaut?. Il est facile de pr?ner des principes, mais de les appliquer le moment venu, aux situations les plus ?pineuses, est une autre paire de manches.

L?engagement suppose, par ailleurs, une ?thique et une politique, c?est-?-dire une sagesse et une adresse, susceptibles d??largir le champ des possibilit?s, afin de choisir la parole et l?action judicieuses, capables de calmer les esprits, d?apaiser les ranc?urs, de r?duire les inimiti?s, sans jamais alimenter les animosit?s ni augmenter les hostilit?s.

L?exercice de l?engagement qui n?est ni un m?tier ni une passion, exige une morale concr?te selon des valeurs humaines et universelles, capables de pr?server les droits et la dignit? de chaque ?tre humain, toutes races, toutes religions, toutes nationalit?s confondues.

Car les failles de l?engagement, c?est le cadre de r?f?rence o? on s?enfonce, c?est l?ensemble des id?es, des pr?jug?s, des ?motions, des r?ves, des entours et des exp?riences pass?es et pr?sentes, qui composent la personnalit? et permettent de percevoir le monde. En bref, c?est la somme des ali?nations qui encha?nent notre libert? et nous entra?nent dans une activit?, passivit? toutes deux, captivit?s, enlis?es dans des ??pr?t-?-penser??, ? pr?t-?-critiquer??, ??pr?t-?-agir?? et ? pr?t-?-condamner?? sans retour.

De fait, les limites de l?engagement sont toutes ces fronti?res, r?elles ou fictives, qu?on se fixe et qui nous accompagnent tout au long de notre vie, nous comprimant dans des moules et nous ensevelissant?tels des sables mouvants, dans les abysses de l??go?sme et de l?ignorance, ce sont les fronti?res g?ographiques ou politiques, physiques ou psychologiques, historiques ou ?conomiques, religieuses ou id?ologiques?qu?on ne cesse de s?inventer pour se prouver qu?on a raison de courir derri?re nos int?r?ts personnels, sans jamais pr?ter l?oreille aux besoins d?autrui, ni partager ses peines et souffrances.

Mais comprenons-nous?: ne pas s?engager, pr?sente beaucoup d?atouts, notamment la possibilit? de se retirer, au moment opportun, sans rien perdre, de changer de camp sans que personne ne s?en aper?oive, de toujours sauver la face, en signalant des engagements sur des fronts non compromettants ou en menant des combats de courte dur?e?!

L?engagement, cependant, ne s?entend pas ici comme un id?alisme farouche et sans lucidit?, en dehors de la r?alit??socio-?conomique et?ne se r?sume pas, non plus, ? un enr?lement, comme dans une guerre, ou ? une adh?sion ? tel ou tel parti politique. Il s?agit d?enrichir le d?bat, d?apporter de nouveaux ?l?ments de r?flexion.

N?est-on pas engag?s ? ?tre engag?s?? ? survivre ou ? p?rir?? La survie n?est-elle pas dans le choix de?l?humanisme ? L?engagement, n?est-il pas cette d?cision renouvel?e, ce volontariat continu, cette pr?disposition au b?n?volat et ? l?altruisme??

Il s?agit surtout de s?engager contre les abus, pour s?en pr?server et s?en immuniser. Qu?on le veuille ou non, on est tous engag?s dans une voie. La question est de savoir laquelle?? Qui n?est pas engag? dans la bonne voie, l?est n?cessairement dans la mauvaise. Entre le bien et le mal, il ne peut y avoir de no man?s land, de terrain neutre.

Car l?engagement est cette aptitude ? choisir son camp, ce qui est la base de toute libert?, c?est la volont? de d?clarer sa flamme, avec l?acceptation des risques inh?rents ? sa passion, c?est d?battre pour survivre, c?est s?indigner et tol?rer les indignations de l?autre camp, c?est s?engager en dehors de tout amour-propre ou orgueil bless?, juste pour l?amour de ses semblables et des nobles causes, juste pour d?fendre le libre-arbitre, la justice et la v?rit?.

Engager un d?bat, ce n?est pas engager un combat, ce n?est pas chercher ? vaincre mais ? convaincre, ce n?est pas non plus chercher ? avoir le dernier mot, ? clouer le bec ? ses adversaires, c?est leur laisser le choix de se r?tracter en tout honneur, sans brutalit? ni violence.

L?engagement est cette exigence ? laquelle notre c?ur nous contraint, car il s?accorde ? l??motion et se noue avec les sentiments, m?me s?il se conjugue au raisonnement. De refuser l?engagement, est d?abord une d?faite morale, qui en induit d?autres, car on n?a pas le droit de s?abstenir devant le mal. La neutralit?, c?est l?acceptation, c?est l?accord et la collaboration avec le mal.

Dans ce cadre, il faudrait applaudir l?engagement humaniste, apolitique et asocial, d?pourvu de tout int?r?t,?gain, ou pr?jug?, sans limite ni fronti?re, car sans race ni couleur, sans ob?dience ni religion, sans nation ni ?tat, sans r?gime ni doctrine, sans langue ni culture, sans aspiration ni ambition.

Un engagement d?mocratique et tol?rant, un engagement? exc?dant et d?passant tout autre engagement, l?incluant et l?englobant, dans une dimension humaine et universelle, se dissociant des r?alit?s sociales, g?opolitiques, historiques, ?conomiques, culturelles, religieuses, linguistiques ou autres, ces r?alit?s versatiles et changeantes, souvent sans fondement, ces codes sombres et insondables, qui pervertissent et aveuglent, faussant l?int?r?t r?el de l?homme.

S?engager, c?est rythmer sa vie de pens?es, de paroles et d?actions sens?es et utiles, c?est choisir son motif de militantisme et de lutte, c?est tenter de r?tablir l?ordre des chances afin de pouvoir redistribuer les cartes en cas de maldonne, c?est faire, non ce qu?on voudrait, mais ce qu?on devrait, faire.

Ne pas s?engager, c?est rejoindre le camp des richissimes et des puissants indiff?rents, rester coi devant tant d?injustices, c?est tenter le diable, c?est stimuler le mal et y prendre part. Neutralit?, vous dites?? Cruaut?, oui?! A-t-on le droit de rester neutre face au mal perp?tr? sous nos yeux?? Comment peut-on faire la sourde oreille quand le monde s??croule autour de nous?? J?ai toujours aim? le dicton arabe qui dit?: ??qui garde le silence devant l?injustice, est un diable muet. ? ??

L?engagement lib?re du servage de l??go, brise les ch?nes de l?int?r?t personnel, d?limite les responsabilit?s de chacun, car il est sans ambition, sinon celle de faire triompher les id?aux universels et tous ceux qui s?en abstiennent, sont responsables, autant que les coupables, de ce qui arrive, parce qu?ils se sont tus lorsqu?il ne fallait pas, parce qu?ils n?ont pas ouvert le bec lorsqu?il le fallait, parce qu?ils n?ont pas prononc? un tra?tre mot pour perp?tuer le bien et ?radiquer le mal.

C?est? l?image de l?intellectuel qui en p?tit, quelle est la responsabilit? du penseur, celle de l?homme d?esprit, de l?homme de lettres, de sciences et de tout homme, d?tenant un quelconque pouvoir??

L?engagement, c ?est dire et agir pour d?noncer, c?est faire retentir ses paroles et ses silences, ses actions et ses inactions, en t?moigne ??J?accuse?? de Zola dans l?affaire Dreyfus, Andr? Gide, avec l?administration du Congo, v?ritable et sinc?re r?quisitoire, le proc?s Calas, intent? par Voltaire en faveur d?un condamn? ? mort, ex?cut? ? tort, un p?re qu?il ne connaissait ni d??ve ni d?Adam, et pour lequel il obtint un blanchissement posthume, ou encore l?inaction de Gandhi, face aux Anglais et son choix de non-violence, un manque de r?action, mille fois plus efficient que toute autre action de r?sistance ou de r?bellion.

Mesurer son engagement, c?est peser sa responsabilit? d??crivain, de philosophe, de leader, de responsable ou de porte-parole, c?est compter combien de maux on a emp?ch?s, c?est juger de combien de r?pressions on a triomph?es et ? combien d?injustices on s?est oppos?.

S?abstenir d?intervenir, peut toutefois, avoir une signification pour qui craindrait de se tromper, de se h?ter et de m?juger. L?abstention et l?attentisme, dans ce cas, seraient plus sages et plus justes car refuser l?initiative et laisser d?canter, valent mieux que de se pr?cipiter, de se hasarder et de faire fausse route.

Faire honneur ? ses engagements, c?est plaider coupable devant les mis?res et les ignominies de ce monde, c?est engager une discussion avec les forces du bien et non celles du mal, de la r?sistance et non de la soumission, en faveur des faibles et non des forts, des d?munis et des minorit?s, c?est s?engager pour la paix et non la guerre, pour l?amour et non la haine, pour le respect et non le m?pris.

De gr? ou de force, on est dans la lutte, on est embarqu? dans la vie et donc condamn? ? s?engager, au nom de la libert? d?expression et de cr?ation. Orienter sa vie en fonction de ses convictions, se faire la voix du pacifisme, braver la censure pour exprimer ses id?es et ses opinions, c?est acqu?rir son autonomisation par rapport aux pouvoirs install?s et son ind?pendance vis-?-vis des devoirs pr??tablis, afin de s?emp?cher de devenir complice et coupable et d?avoir les mains sales.

S?en laver les mains, c?est refuser tout ce qui est refusable, r?cuser tout ce qui est r?cusable, accuser tous ceux qui sont accusables et n?excuser que ceux qui sont r?ellement excusables. S?engager, c?est creuser sans abuser, user sans m?suser, diffuser et rediffuser sans ruser, causer et d?causer sans pauser, afin de fuser, sans fusil ni mauser.

C?est ? ce prix qu?on lavera nos taches, qu?on d?clinera toute responsabilit? et qu?on s??pargnera d??tre bus? ou abus?, que le peuple s?assurera de ne pas se blouser ni de gueuser, dans un monde certes trop os?, sans en ?tre nullement m?dus?, un monde o? les intellos?sont? certainement d?sabus?s, car toujours accus?s de trop muser, et de beaucoup trop s?amuser !?

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