Les deux peurs de l’Algérie face-à-face

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Deux mois après le déclenchement de la contestation en Algérie et neuf vendredis de manifestations populaires, la situation dans le pays ne s’est pas clarifiée. Tant s’en faut.

Sans doute plus personne ne finasse sur la nature du pouvoir dans le pays voisin : militaire il a été, militaire il s’est proclamé sans fard lorsqu’il s’est agit de sauver les meubles et de débarquer ce président qui voulait mourir, ou qu’on voulait laisser mourir dans son fauteuil présidentiel.

Si tout au long de ces deux mois c’est la rue qui a donné le la, c’est en revanche le général Gaïd Salah, chef de l’état-major, qui a dicté dans une série de réactions à la détermination populaire, le tempo des changements qu’il délivre à doses homéopathiques.

Si encore tout le monde semble d’accord sur la nécessité d’installer l’Algérie dans une deuxième république, aucune convergence ne s’est encore dessinée sur sa forme ni sur les voies et moyens d’y parvenir.

Pour la rue, celle-ci ne souffre aucune équivoque, la deuxième république doit se construire dans la rupture avec tout ce qui s’est fait jusqu’ici en Algérie, tandis que l’armée veut l’inscrire dans la continuité sous peine de provoquer l’implosion de l’Etat et l’éclatement du pays.

Il est claire que les galonnés algériens jouent le temps dans la perspective d’un émoussement du mouvement ou/et l’apparition de divergences au sein du hirak qui l’affaibliraient, élargissant d’autant la marge de manœuvre de l’armée.

En attendant, des noms et des icones, à l’image de l’ancien premier ministre Ouyahya, sont sacrifiés sur l’autel du « changement » et jetés en pâture à la « vox populi » dans l’espoir de rassasier sa vindicte nourrie par des décennies de répression, de refoulement et de frustration.

Des amuses gueules qui ne convainquent personne. Le site algérien  qui assure la meilleure couverture des évènements, le formule nettement : « Dans l’état actuel des choses, écrit-il, l’ensemble des procédures judiciaires lancées pour « lutter contre la corruption » est recouvert par un voile de suspicion et de cynisme. »

Si bien que le dilemme algérien se résume aujourd’hui dans en deux peurs qui, chacune, a ses fondements compréhensibles et recevables :

L’armée n’a pas tort de craindre qu’un changement  à la hussarde entraine le pays dans la spirale des affrontements de toutes sortes et de toutes obédiences.

La population a raison de se méfier  et d’appréhender que l’armée utilise cette peur en vue de reconduire le statu quo.

Mais tant que l’armée déclarera épouser les aspirations de la contestation et que celle-ci lui continuera à lui faire écho par « le peuple et l’armée khawa-khawa, il n’y a pas de grandes frayeurs à avoir. C’est quand cette fraternisation aura épuisé ses charmes qu’il faudra craindre le pire.