Institutions : un été point de bascule

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Pour l’histoire c’est Benkirane qui a entamé les hostilités par ses déclarations inappropriées sur la personne du Roi, mais surtout sur l’existence de deux Etats

Le communiqué du Cabinet Royal à l’encontre de Benabdellah est le premier du genre sous le règne actuel. Il rappelle celui de 1993 faisant de Basri « un rouage de la monarchie ». Depuis le oui à la constitution de 1996, nous étions dans la logique institutionnelle, c’est à dire celle d’une monarchie garante des règles du jeu politique, au dessus des acteurs. Comment à-t-on réussi à réinstaller ce climat ?

Pour l’histoire c’est Benkirane qui a entamé les hostilités par ses déclarations inappropriées sur la personne du Roi, mais surtout sur l’existence de deux Etats, pour justifier son thème de campagne autour du « Tahakkoum », le contrôle, thème emprunté à l’AKP et sa campagne de 2002, contre l’influence de l’armée turque.

Le discours du trône paraissait comme une réponse à Benkirane. C’est en tous cas la lecture qui en a été faite. Les choses ne sont pas rentrées dans l’ordre, l’engrenage s’est même accéléré. PJD et PPS vont s’en donner à cœur joie, après la pathétique scène de déclaration d’amour entre leurs deux chefs. Leur argument ? PAM égal Fouad Ali El Himma. Celui-ci étant conseiller du Roi, l’institution monarchique n’est plus épargnée.

Il y a plus grave. Le discours du 20 août porte sur la lutte contre l’extrémisme. Benkirane y répond à sa manière. D’abord il présente aux élections un salafiste pur et dur qui est antisémite, mysogine à l’extrême. Mais surtout il fait son show à Agadir où il revendique les références les plus rétrogrades, Ibn Taymyya étant la référence de Baghdadi, de Ben Laden et de la salafya jihadia en général. Il parle de disposition au martyr, alors qu’il s’agit que d’élections dont il préside l’organisation.

L’épisode Benabdellah est subalterne. C’est la réponse du Cabinet Royal qui en a fait un évènement important. Il est subalterne parce que les attaques contre El Himma, de la part du PJD, sont présentes depuis des mois.

Le résultat de cet été est doublement catastrophique. D’abord les élections seront sur un thème très éloigné des préoccupations des électeurs. Il n’y aura ni bilan à discuter, ni programme à étudier. Benkirane a réussi à imposer son thème et à faire des élections une opération plébiscitaire en sa faveur contre « le camp du mal » représenté par le PAM. Ce n’est pas le meilleur moyen de s’assurer de l’adhésion des citoyens et le taux de participation le prouvera.

Il est surtout catastrophique, parce que la nouvelle constitution est mise à mal, cinq ans après son adoption par un large consensus. Le Cabinet Royal donne l’impression d’être en lutte avec la majorité et le chef du gouvernement. C’est un trouble institutionnel évident qu’il faudra trancher, quel que soit l’issue du scrutin.

La construction démocratique n’est pas un long fleuve tranquille, les soubresauts sont partie inhérente de ce processus. Mais, pour avancer, il faut à chaque fois trouver une sortie par le haut. Les acteurs seront-ils à la hauteur où piègeront-ils encore plus la fragile démocratie marocaine ? Les prochaines semaines répondront à la question.

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