Le partage

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Par  Abdeslam Seddiki - La croissance ne profite pas de la même manière à tout le monde. Un chiffre donne le vertige : les 1% des individus recevant les plus hauts revenus dans le monde en ont profité deux fois plus que les 50%  les plus pauvres

La question des inégalités retient de plus en plus l’attention des gouvernements, des instituts de recherche et des milieux divers y compris la société civile. C’est dans ce sens qu’un programme de recherche collaboratif sur cette question a vu le jour au début des années 2000 et qui réunit aujourd’hui plus d’une centaine de chercheurs couvrant plus de 70 pays sur tous les continents

Ce collectif vient de publier un volumineux rapport sur les inégalités mondiales (2018) s’intéressant plus particulièrement à un groupe de pays développés et émergents mais dont la méthodologie et  les conclusions peuvent s’appliquer à d’autres pays.

On se rend compte que la croissance quand elle se produit, ne profite pas de la même manière à tout le monde. Un chiffre donne le vertige : les 1% des individus recevant les plus hauts revenus dans le monde ont profité deux fois plus de cette croissance que les 50% des individus les plus pauvres ! Un démenti cinglant à la théorie dite de « ruissellement ». Fait inquiétant, cette concentration de la richesse entre une poignée d’individus qui font à eux seuls la pluie et le beau temps s’est accompagnée par un appauvrissement conséquent des Etats puisque la richesse publique est soit négative ou proche de zéro. Cette situation est due à un transfert du patrimoine public vers le privé par le biais notamment des privatisations. Ce qui limite la capacité de ces Etats à combattre les inégalités puisqu’ils sont pris en otage par l’impératif des équilibres macro-économiques et la limitation de ressources. Ainsi, pour l’ensemble des pays étudiés, les inégalités économiques se sont aggravées et dans le meilleur des cas elles ont stagné.

Au delà de ce diagnostic, l’intérêt du rapport réside dans les solutions qu’il préconise pour combattre les inégalités. Les mesures proposées portent sur la politique fiscale, les politiques éducatives, la gouvernance des entreprises et les politiques salariales, outre la transparence des données et la création d’un registre mondial des titres financiers  pour lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent. Il va sans dire que de telles mesures revêtent une importance capitale, mais elles peuvent rester au niveau des vœux pieux tant qu’on n’a pas défini les politiques à mettre en œuvre pour y parvenir. Sur ce chapitre, le rapport reste muet à l’exception d’’une déclaration annoncée par ses rédacteurs : « avec ce rapport, le laboratoire sur les inégalités mondiales vise à combler un déficit démocratique et à fournir aux différents acteurs de la société les données nécessaires pour participer à des débats publics ancrés dans les faits ».

Les politiques de lutte contre les inégalités ne tombent pas du ciel. Elles nécessitent des luttes sociales et des compromis positifs entre les principaux acteurs. Il faut être naïf pour croire que ceux qui ont acquis des privilèges vont d’eux-mêmes y renoncer en pensant aux plus démunis et aux plus pauvres, que ceux qui en ont trop se tournent vers ceux qui sont dans le besoin. On peut trouver quelques personnes ici et là rompues à  cet esprit philanthropique. Mais une hirondelle ne fait jamais à elle seule le printemps. Car nous sommes dans des systèmes (de production et d’échange) qui génèrent constamment des inégalités. Et c’est là où réside le mal. Par conséquent, toute politique de lutte contre les inégalités doit s’attaquer aux racines de ce phénomène.

A contrario, il faut être rêveur et déconnecté de la réalité pour penser à une égalité parfaite entre individus du moins sur le plan économique. Mais on peut facilement imaginer un niveau optimum d’inégalités. C’est à ce niveau que des luttes sont menées un peu partout à travers le monde. Elles ont comme dénominateur commun la défense du pouvoir d’achat,   le respect de la dignité humaine, la valorisation du travail de telle sorte que celui qui travaille plus gagne plus et l’égalité des chances en améliorant les « capabilités » des gens….

En somme, il faut changer le référentiel et le modèle de société en vigueur. Nous avons besoin d’un modèle de société respectueux de l’être humain et de son environnement, un modèle de société basé sur le partage des bienfaits et des sacrifices,  où le collectif l’emporte sur l’individuel. Ni trop d’injustices, ni parfaite justice. Juste une vie paisible et une société harmonieuse dans laquelle il fait beau de vivre.

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