Culture et impérialisme – Par Samir Belahsen

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Le film Lawrence d’Arabie, agent du bureau arabe des services de renseignements britanniques, au-delà de l’épopée d’un espion de Sa Majesté, rend compte parfaitement de la représentation occidentale de l'Orient

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« L'impérialisme sera vaincu, inévitablement. 

Qui nous a appris cette leçon ? 

Ce sont les peuples qui nous l'ont apprise... »

Fidel Castro

Discours de clôture de la Conférence tricontinentale, 15 janvier 1966

"Il n'est point de crédulité plus ardente et plus aveugle que celle née de la cupidité, qui, par ses dimensions universelles, donne la mesure de la détresse morale et de l'indigence intellectuelle de l'humanité."

Joseph Conrad - 1857-1924

La semaine dernière, évitant le macabre compteur, j’ai opté pour la compagnie d’Edouard Saïd à travers "Culture et impérialisme" : Une critique de l'orientalisme et de l'impérialisme culturel.

L’usage nouveau et répétitif des notions de grand sud, de sud global me parait révélateur d’une nouvelle ère (au sens chimique du terme).

On a longtemps usé et abusé des classifications des pays : développés / sous-développés ; Centre / périphérie ; Orient /occident ; Est / Ouest et Nord / Sud. On parlait et on parle encore de mondes musulman, monde Chinois (Jacques Gernet), le monde occidental…

Bien entendu, ces appellations ne sont pas neutres. « En choisissant ses mots, on choisit son camp » . L’évolution de ces appellations traduit la lecture des uns et des autres du monde à une période donnée avec des rapports de force donnés. 

Edward Said était un érudit palestinien-américain, critique littéraire et théoricien postcolonial, dont les travaux ont eu une influence considérable dans les domaines de la littérature, de l'histoire et des études culturelles.

"Culture et impérialisme", propose une analyse profonde de la relation complexe entre culture et impérialisme. 

L'orientalisme 

Edward Said remet en question la représentation occidentale de l'Orient . Il déconstruit le concept d'orientalisme, en affirmant que l'Orient a été représenté par l'Occident de manière stéréotypée, exotique et inférieure. Said critique cette construction occidentale de l'Orient comme une entité mystérieuse et inférieure, prétendument nécessaire à l'entreprise coloniale.

Il explique que cette vision orientaliste a été utilisée pour justifier et légitimer l'entreprise coloniale occidentale. Il cherche à démontrer comment les stéréotypes culturels persistants de l'Orient ont influencé les politiques, les perceptions et les relations de pouvoir entre l'Orient et l'Occident.

L’impérialisme culturel

Edouard Said explore le concept d'impérialisme culturel, il argue que les structures impériales de pouvoir ne sont pas seulement politiques ou économiques, mais qu'elles s'étendent également à la sphère culturelle. La culture joue un rôle essentiel dans le maintien de ces structures de pouvoir de domination impériales.

On peut qualifier d'impérialisme tout processus de contrôle ou de domination d'une entité sur d'autres populations ou territoires. Il est lié à la notion d'Empire, forme d'organisation politique née dans l'Antiquité et qui perdure.

Said examine la relation entre culture et impérialisme, et comment cette relation a façonné l'identité coloniale et postcoloniale. Il analyse des œuvres littéraires et culturelles afin de comprendre comment le discours impérialiste se perpétue à travers elles.

Said remet en question la suprématie culturelle occidentale et appelle à une réévaluation des voix et des perspectives marginalisées des colonisés.

En examinant des œuvres telles que "Jane Eyre" de Charlotte Brontë, "Heart of Darkness" de Joseph Conrad et "Moby Dick" d'Herman Melville, Said démontre comment elles participent à la reproduction de l'idéologie impérialiste. Il soutient que le discours impérialiste est présent non seulement dans les écrits explicitement coloniaux, mais aussi dans des œuvres considérées comme des classiques de la littérature occidentale. Dans cette critique, il mentionne Albert Camus en tant qu'exemple d'un intellectuel humaniste occidental, il soulève des réserves concernant la manière dont Camus perçoit et représente l'Orient. Said argue que, malgré son humanisme, Camus continue de perpétuer certains schémas orientalistes dans ses écrits.

Il convient de préciser que cette critique ne remet pas en question le travail ou les idéaux humanistes de Camus, mais plutôt de souligner que même les personnes « bien intentionnées » peuvent être influencées par des schémas de pensée préjudiciables et des représentations déformées de l'autre. Nous le sommes tous, me parait-il.

La pensée d'Edward Said a l’intérêt de stimuler un questionnement critique des représentations culturelles, remettant en cause les hiérarchies et les jugements de valeur hérités de l'histoire coloniale.
L’évolution, parfois surprenante, des réactions des différentes franges « opinions publiques » en Occident face au génocide de Gaza, sensible aux massacres des Palestiniens, induit la question des enjeux de représentation culturelle impériale dans le monde contemporain.

Si bien que l’on se demande si les mécanismes classiques de l'impérialisme culturel ne seraient pas en panne ?

 

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