chroniques
Terrorisme : une petite armée déjà, rien que dans les prisons
Il n’y a pas une semaine, pour ne pas dire un jour, qui passe sans que le Bureau Central des Investigations Judiciaires n’annonce le démantèlement, en solitaire ou en collaboration avec un service de sécurité étranger ami, d’une cellule terroriste composée de deux, trois, quatre… individus récidivistes ou se préparant à agir pour la première fois.
L’arsenal saisi lors de opération révélée jeudi dernier est impressionnant. Quatre mitrailleuses automatiques équipées de chargeurs de munitions, trois chargeurs vides, trois revolvers, un pistolet automatique, un fusil équipé de viseur, une grande quantité de munitions, 13 bombes lacrymogènes ainsi que d’autres produits suspects.
Les attentats qui étaient en gestation participent d’une visée d’embrasement. Deux hôtels de haut standing à Essaouira, Marocco Mall, l’OCP, le Parlement, la Régie des tabacs, des casernes de l’armée, des unités militaires sur le tracé frontalier, des personnalités civiles et militaires, des agents de la sécurité etc. A peine s’ils n’ont pas voulu déclencher un Apocalypse now.
Les cibles sont si énormes et si dispersées que l’on se demande si la cellule de terroristes arrêtés, dix personnes, avait la puissance de feu, l’organisation et le souffle nécessaires pour mener leurs opérations à bien. Mais certainement que l’essentiel était de commencer, l’étincelle qui embraserait la plaine, et que d’autres cellules, sans doute encore dormantes, reprendront le flambeau.
On imagine les dégâts qu’aurait subis le Maroc si jamais cette cellule avait réussi fut-ce le tiers de ces objectifs. L’œil du BCIJ, qui visiblement ne dort pas, a évité le drame au pays, mais il suffirait d’un seul instant d’inattention, d’une petite mauvaise circulation de l’information pour que le drame se produise. Le risque zéro n’existe pas, mais le BCIJ, et tous les autres services qui le soutiennent dans cet infernal combat ont fait preuve jusqu’ici d’une vigilance irréprochable pour leur faire crédit de leur succès et leur accorder les crédits qu’ils méritent pour poursuivre leur mission dans les meilleures conditions.
Il ne faut pas se faire d’illusion, le combat contre le terrorisme ne fait que commencer et il va durer longtemps. André Malraux, a été approximatif lorsqu’il aurait dit que le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas. Il aurait dû dire qu’il sera terroriste et sombrera dans le chao. Cette citation n’est pas avérée, en revanche, il a bien déclaré que « le terrorisme suscite la répression et que celle-ci organise le terrorisme. » C’est une diabolique dialectique.
Depuis 2002, les services ont réussi à démanteler 152 cellules. Sans compter celles qui sont encore dans la nature, en Irak ou en Syrie, ou encore qui ne se sont pas révélés à eux-mêmes, c’est une petite armée. Qu’allons-nous en faire ? En Algérie, l’armée tire, abat et communique après. Au Maroc, on préfère une démarche plus respectueuse du droit. Mais un jour la question de leur déradicalisation se posera et il faut y penser dès aujourd’hui. Il est vari, plus facile à dire qu’à faire. Ce qui n’empêche pas qu’il faut y aller.