Pour que l'expérience du Maroc avec Christopher Ross ne se répété pas avec De Mistura – Par Hatim Bettioui

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Mohammed VI et Jacob Zuma à Abidjan, le 29 novembre 2107. © MAP

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Entre le sommet afro-européen qui s'est tenu à Abidjan, en Côte d'Ivoire, le 29 novembre 2017, où un accord maroco-sud-africain sur la promotion des relations a été conclu, et la visite de l'envoyé du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara, Staffan de Mistura, à Pretoria le 31 janvier dernier, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts du conflit du Sahara, qui approche de sa cinquième décennie.

À Abidjan, le Roi Mohammed VI et le Président Jacob Zuma avaient convenu de travailler main dans la main pour un avenir prometteur, d'autant plus que Rabat et Pretoria sont des pôles majeurs pour la stabilité politique et le développement économique, chacun à son extrémité du continent.

Le Roi Mohammed VI et le Président Zuma avaient ainsi décidé d'élever la représentation diplomatique entre les deux pays en nommant des ambassadeurs de haut niveau à Rabat et à Pretoria.

Mais à cette époque Zuma était à la fin de son mandat présidentiel, et l'aube de l'ère du Président Cyril Ramaphosa commençait à poindre, dans l’hostilité au travail de son prédécesseur qui allait se manifester dès son élection le 15 février 2018.

Il n’empêche. A l'arrivée de Ramaphosa au pouvoir, Rabat a nommé un ambassadeur influent, Youssef El Amrani, qui était alors chargé de mission au cabinet royal marocain, et avait précédemment été ministre délégué au ministère des Affaires étrangères, ainsi qu'ambassadeur dans plusieurs capitales latino-américaines et secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée basée à Barcelone, en Espagne.

Cependant, l'Afrique du Sud n’a nommé son ambassadeur à Rabat qu’un an et demi après l'arrivée de l'ambassadeur marocain à Pretoria, laissant l'ambassade sud-africaine à Rabat sous la direction d'un diplomate agissant en tant que chargé d'affaires pendant cette période et celle qui l'a précédée.

Dans un environnement hostile

Le nouvel ambassadeur sud-africain à Rabat, Ibrahim Idris, occupait auparavant le poste de vice-directeur du protocole au ministère sud-africain des Affaires étrangères, et a précédemment servi comme consul général de son pays à Djeddah, en Arabie Saoudite. L’Afrique. Du Sud indiquait de cette manière le plafond de sa relation avec Rabat.

Les relations maroco-sud-africaines, au lieu de s'améliorer, ont vu Pretoria adopter rapidement des positions hostiles à l'intégrité territoriale du Maroc, soutenant avec acharnement, aux côtés de l'Algérie, le front séparatiste du Polisario.

L'ambassadeur El Amrani allait passer environ 4 ans à Pretoria dans un environnement hostile à son pays jusqu'à sa nomination comme ambassadeur à Washington le 20 octobre 2023.

Dans ce contexte, la visite de De Mistura en Afrique du Sud a provoqué des vagues qui ont troublé encore plus les relations de Rabat avec l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU.

De Mistura a commis une erreur majeure, intentionnellement ou non, semblant se tirer une balle dans le pied en étendant ses consultations sur le conflit du Sahara à un pays qui n'a "pas le moindre poids", selon l’expression du chef de la diplomatie marocaine, dans le traitement de ce conflit régional. Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita s’est fait fort de déclarer que l'Afrique du Sud avait été et resterait un "acteur marginal" dans la question du Sahara marocain.

L'Afrique du Sud n'a d'autre capital dans la question du Sahara que son opposition véhémente au Maroc et son soutien intempestif à la thèse séparatiste algérienne sous la bannière du "droit des peuples à l'autodétermination".

La fiabilité de Pretoria en cause 

De Mistura a commis une grossière erreur en s'écartant de la neutralité et en s'engageant dans une voie qui dévie des valeurs et de la diplomatie définies pour sa mission, consistant à limiter les parties au conflit (le Maroc, l'Algérie, la Mauritanie et le front séparatiste du Polisario) et à poursuivre la méthode des tables rondes avec la participation de toutes`

Certains pourraient avancer que les actions de De Mistura ne pouvaient se produire sans le feu vert des États-Unis, arguant que les Américains considèrent que la poursuite du conflit du Sahara n'a plus de sens, étant donné que la région fait face à de nombreux défis. Ainsi, il est essentiel de rompre le "statu quo" de ce conflit, né de l'ère de la guerre froide, en assouplissant les positions de quelques pays, dont l'Afrique du Sud, qui sont alignés sur l'Algérie contre l'unité territoriale du Maroc.

Cependant, la question se pose : l'Afrique du Sud peut-elle être un partenaire fiable pour Washington dans la résolution de ce conflit ? La réponse est clairement non, notamment parce que la position de Pretoria est biaisée par sa complicité avec l'Algérie et de son proxy, le front séparatiste Polisario, ce qui suffit à la disqualifier de tout rôle positif potentiel dans ce conflit.

D'autres d’ailleurs voient la visite de De Mistura en Afrique du Sud comme une démarche malavisée, estimant que l'Amérique est trop empêtrée dans le bourbier de Gaza et la guerre en Ukraine pour se consacrer à la résolution d'un conflit comme celui du Sahara, tandis que le monde est en ébullition sous la pression de guerres bien plus féroces.

Au minimum, on peut dire aujourd'hui que Washington est davantage préoccupé par les mémoires défaillantes des présidents Joe Biden et de son fervent adversaire Donald Trump, se préparant à plonger dans le tumulte de la bataille électorale présidentielle.

De Mistura, à Pretoria, semblait traiter le sujet du Sahara comme s'il était mis aux enchères, oubliant que le conflit est limité à quatre parties.

Ceux qui connaissent le diplomate italo-suédois savent bien que l'homme en acceptant la mission du huitième envoyé spécial du Secrétaire général au Sahara, était convaincu que la résolution du conflit du Sahara n'est pas encore possible pour des données bien connues de tous.

Avant cela, De Mistura a quitté son autre poste lié à la Syrie sans avoir réalisé de percée significative, sachant l’ONU, quand elle ne complique pas les problèmes, elle n’en résout pas.

L'homme n'aspire certainement pas à être un leader dans la résolution du conflit du Sahara, tout comme ce fut le cas pour la Syrie.

Pour lui, ce poste diplomatique onusien est juste un moyen de subsistance et une occasion de briller sous les projecteurs médiatiques. Ainsi, il devait savoir avant d’y aller que son déplacement à Pretoria était "une tempête dans un verre d'eau" qui ne le mènera pas à l'issue désirée.

Le Maroc a bien fait en se contentant de rappeler à De Mistura le cadre spécifique de sa mission, sans demander son retrait de confiance ou son exemption de sa mission onusienne. Rabat n'a pas besoin de répéter son expérience avec l'Américain Christopher Ross.

Le départ de De Mistura est une question de temps. Seul le temps retirera la confiance pour l’envoyer rejoindre le cortège de ceux qui l'ont précédé en tant qu'envoyés spéciaux du Secrétaire général des Nations Unies au Sahara sans jamais savoir par quel bout prendre ce conflit.

D’après Annahar Alarabi