chroniques
Une radicalité sociale
De passage ? Paris, et sur ma route vers l?a?roport, j?ai ?chang? avec un chauffeur de taxi, d?origine maghr?bine, sur l??tat de la France mais surtout sur le terrorisme. Son constat est effrayant et sans appel. ?Prenez une valise avec des liasses d?argent et vous pourrez recruter des terroristes dans toutes les banlieues, par centaines.
C?est ce que font les recruteurs depuis tr?s longtemps?. Il explique que ces jeunes sont d?socialis?s, sans aucun rep?re ni espoir et que l?argent joue un r?le plus important que la spiritualit?. ?Ils ne connaissent m?me pas le Coran, mais ils ha?ssent le monde entier. Les recruteurs leur permettent d?exprimer cette haine au nom d?une cause??l?islam?.? C?est une perception qui bouscule un certain nombre de certitudes. Le discours sur la d?radicalisation, la citoyennet?, para?t ?loign? de la v?rit?. Selon cette version des faits, le n?ud du probl?me serait celui de l?int?gration et de son ?chec. Les profils des terroristes qui ont frapp? en France et ? Bruxelles tendent ? renforcer cette th?se. Nous sommes en face de d?linquants, donc d?j? en rupture avec la soci?t?, qui basculent dans l?horreur terroriste sans passer par la moindre recherche de spiritualit?. Leurs motivations ne reposent que sur des slogans, souvent li?s ? des situations de guerre, et sans r?f?rence, aucune au sacr?.
Le fameux loup solitaire n?existe qu?au moment du passage ? l?acte. Tous les terroristes baignent dans un magma hideux o? la frustration se transforme en haine explosive, d?abord de soi, ensuite des autres, de tous les autres, car il ne faut jamais perdre de vue que ce sont les musulmans qui payent le plus lourd tribut au terrorisme. L?exp?rience a d?montr? qu?on ne peut pas apporter des r?ponses simplistes ? un ph?nom?ne aussi complexe. Il est ?vident que certaines interpr?tations des textes sont en question. On ne peut pas, non plus, occulter les questions identitaires, souvent aliment?es par l?histoire ou par les conflits en cours. Ce sont les fondements des organisateurs et de leur encadrement. Mais les jeunes issus de l?immigration ont d?autres parcours. La question identitaire, pour eux, est li?e d?abord ? leur situation sociale. Les discours stigmatisants, l?essentialisme, les renvoient ? leur religion, ? leurs origines. Il est facile pour les recruteurs de lier les deux et c?est ce que fait Daesh. ?S?ils ne vous acceptent pas, c?est parce que vous ?tes musulmans et qu?ils sont les ennemis de l?islam?. Des individus, psychologiquement fragiles, c?dent ? ces sir?nes. Le cas des convertis prouve que les recruteurs savent d?celer les f?lures. Ils proposent aux jeunes en situation d??chec d??changer une vie insignifiante contre le ?martyr? ?lev? au rang de gloire supr?me, r?compens?e par le paradis et ses plaisirs ?ternels.
La question de l?int?gration est donc primordiale. Non pas pour justifier l?injustifiable, tenter de trouver des circonstances att?nuantes aux criminels, mais pour appr?hender correctement un ph?nom?ne appel? ? durer, malgr? les efforts s?curitaires. C?est un travail de longue haleine qui n?cessite la mobilisation de l??cole, des politiques publiques, d?investissement, du logement dans le sens de la mixit?, etc. Mais surtout, il faut sortir de la stigmatisation, par un discours sans concession aucune, mais inclusif. L?on se rend bien compte que politiquement, une telle vision n?est pas porteuse dans l?imm?diat, l?extr?me-droite avan?ant partout en Europe. Entre temps, les r?ponses simplistes ne font qu??largir le terreau et offrir plus de possibilit?s aux recruteurs.