Il y a 50 ans, le Portugal, récemment confronté à l'extrême droite faisait sa ''Révolution des Œillets''

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Directrice du musée de la Résistance et de la Liberté Aljube et militante du Parti communiste portugais, Rita Rato, 41 ans, pose pour une photo au musée le 16 avril 2024. Le Portugal commémore le 25 avril 2024 le 50e anniversaire de la Révolution des œillets, un coup d'État militaire qui a mis fin aux guerres coloniales en Afrique et permis l'avènement de la démocratie dans ce pays récemment confronté à la montée de l'extrême droite. (Photo PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP)

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Précédant de moins de deux ans le décès du généralissime Franco en Espagne et l’éveil du pays à la démocratie, l’autre pays ibérique, le Portugal, faisait il y a 50 ans, le 25 avril 1974, sa "Révolution des Œillets" balayant 48 ans de dictature, à une période où l'idéal démocratique va également l'emporter en Grèce.

Une interminable dictature

Quarante-huit ans. C'est la durée de celle qui fut la plus longue dictature européenne, établie de 1926 à 1974 au Portugal à la suite d'un coup d'Etat militaire survenu dans une République politiquement instable.

Arrivé au pouvoir en 1932, Antonio de Oliveira Salazar fonde "l'Etat nouveau", un régime d'inspiration fasciste reposant sur trois piliers: la censure, le parti unique et la police politique (la PIDE), redoutable instrument au service d'une dictature qui fera 30.000 prisonniers politiques - maintes fois torturés - et une cinquantaine de morts parmi les dissidents.

L'assassinat en 1965 par la PIDE du général Humberto Delgado, un des principaux dirigeants de l'opposition démocratique tué d'une balle dans la tête en Espagne, fait partie de la mémoire collective du pays.

Tout comme est resté vif le souvenir d'opposants emprisonnés, déportés et condamnés à l'exil à l'instar de Mario Soares, futur fondateur du Parti socialiste portugais et président de la République de 1986 à 1996.

En 1968, Antonio Salazar, gravement malade - il mourra deux ans plus tard -, passe la main à Marcelo Caetano dont le pouvoir se heurte notamment à une grave crise économique. Depuis 1961, le pays fait face à de ruineuses guerres coloniales en Afrique.

Œillet rouge au bout du fusil 

L'impasse de ce conflit après treize ans de combats constitue l'élément déclencheur de la révolte de tout un pan de l'armée, partisan d'une solution politique et non militaire à la guerre, alors que le pays se vide d'une jeunesse refusant de partir sur les trois fronts (Angola, Guinée-Bissau et Mozambique).

Le 25 avril 1974, le "mouvement des capitaines" - mené par des militaires ayant eux-mêmes participé aux guerres en Afrique - balaie un régime exsangue.

A Lisbonne, les insurgés occupent la radio, la télévision, l'aéroport... La population descend spontanément dans les rues de la capitale, applaudit les militaires. Quelques œillets rouges piqués au bout des fusils, puis arborés par la foule, baptisent la révolution.

Après quelques face-à-face tendus, les unités hostiles basculent l'une après l'autre du côté du Mouvement des Forces Armées (MFA). La dictature a vécu.

L'instauration de la démocratie s'accompagne de nombreuses conquêtes politiques et sociales: suffrage universel, liberté d'expression, égalité des droits entre hommes et femmes, droit de grève, création d'un salaire minimum, Sécurité sociale pour tous...

La fin de l'empire colonial 

Avec le soulèvement des capitaines, débute aussi le démantèlement du dernier empire colonial européen.

Entre 1974 et 1975, cinq pays africains, la Guinée-Bissau, le Mozambique, le Cap-Vert, Sao Tomé et Principe et l'Angola vont conquérir leur indépendance.

Macao a été rétrocédé à la Chine en 1999. Le Timor-Leste, envahi par l'Indonésie en 1975, ne deviendra indépendant qu'en 2002 après une intervention de l'ONU.

Le Portugal a rapatrié près d'un million de personnes des colonies, soit plus de 10% de sa population.

Avènement de démocraties 

Outre le Portugal, le tournant des années 1970 marque la chute des dernières dictatures d'Europe occidentale, en Grèce et en Espagne où souffle un irrépressible vent de liberté.

En Grèce, c'est le soulèvement, le 17 novembre 1973, d'étudiants de l'Ecole Polytechnique d'Athènes, dont la sanglante répression fera plus de 44 morts, qui conduira moins d'un an plus tard à la chute de la dictature instaurée depuis un coup d'Etat de colonels en 1967.

Le sort du régime sera scellé à l'été 1974 par l'intervention turque à Chypre après une tentative de coup d'état ultra-nationaliste grec à Nicosie.

L'anniversaire de la révolte du 17 novembre est fêté tous les ans depuis le retour de la démocratie par un grand défilé entre l'Ecole et l'ambassade américaine pour protester contre le rôle et le soutien des Etats-Unis, et de la CIA en particulier, à la dictature militaire.

L'Espagne, elle, a tourné les pages sombres de la dictature à la mort le 20 novembre 1975 de Francisco Franco, à l'issue d'une interminable agonie. Avec la disparition du dernier dictateur d'extrême droite en Europe, s'achèvent 36 ans d'un régime autoritaire et réactionnaire.

Juan Carlos, successeur désigné depuis 1969, est proclamé roi deux jours plus tard. La dictature est officiellement abolie en 1978, avec l'adoption de l'actuelle constitution démocratique. (AFP)

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