Le Mode post Covid-19 de coronavirus : La Chine de plus en plus pivot, l’Afrique à la traine

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Rabat - La crise de la pandrémie du nouveau coronavirus (Covid-19) annonce la fin du leadership occidental et la montée confirmée du rôle de la Chine, affirme Mohamed Benhammou, directeur du Centre marocain des études stratégiques (CMES).

"Le nouvel ordre qui se dessine actuellement instaurera un nouvel équilibre des forces et un déplacement de l’épicentre du monde vers l’Asie du Sud-Est", souligne M. Benhammou, dans une interview accordée à la MAP sur les répercussions stratégiques de la pandémie du coronavirus, notamment les nouveaux équilibres mondiaux qui vont en résulter.

 

“Les relations sino-américaines vont être marquées par une nouvelle étape. Elles risquent de passer d’une situation de complémentarité à une certaine forme d’affrontement. La Chine cherchera encore plus à s’intégrer dans le monde et dans le nouvel ordre international qui s’installe. Elle va chercher avec les États du Sud-Est asiatique à être la puissance pivot dans le monde, ce qui ne se passera pas sans trop de problèmes”, précise le directeur du CMES.

Toujours concernant les relations Pékin-Washington, M. Benhammou affirme que “le monde connaît un chamboulement dans l’évolution des agendas. Par exemple, on envisageait un changement de la nature des relations sino-américaines à l’horizon 2030 ou 2035. On pensait à la forme que ces relations allaient prendre et voilà que coronavirus, aujourd’hui, précipite les choses”.

La crise du coronavirus aura également un impact sur la mondialisation, selon M. Benhammou.

“On assiste à la fin de la mondialisation avec un visage sauvage, caractérisée par la primauté et l’importance de l’économique sur l’humain. On va aller vers une humanisation beaucoup plus forte de cette mondialisation et on va certainement voir les Etats sortir de cette interdépendance au mieux qu’ils le peuvent, avec une grande autonomie locale”, précise-t-il, ajoutant que “la relation d’interdépendance s’avère aujourd’hui coûteuse. On peut dire aussi que le modèle néolibéral est en crise. Il a démontré sa faillite face à cette crise de la pandémie du coronavirus. Par ailleurs, on constate, de plus en plus, une réussite du modèle asiatique, essentiellement coréen tout comme celui de Singapour ou de Taïwan”.

Les bouleversements que devra connaître le monde ne manqueront pas d’impacter le bloc européen. “L’UE est fissurée, très lézardée. Elle a démontré beaucoup de difficultés à protéger ses citoyens, en plus des difficultés liées à la coopération inter-États européens. Ces États vont certainement tirer des conclusions de cette situation”, explique notre interlocuteur. Et il ne s’agit pas uniquement des relations intereuropéennes, mais aussi vis-à-vis de leur allié historique, les États-Unis.

“Je pense que les États européens vont prendre beaucoup de distance vis-à-vis de Bruxelles, mais aussi de Washington. La nature des relations avec les États-Unis va évoluer. On va assister à l’arrivée d’États protecteurs, d'États qui vont chercher à répondre en premier lieu aux attentes de leurs citoyens. Les priorités vont changer”.

Concernant ce retour du rôle central de l’Etat, M. Benhammou souligne que “Certainement, les États vont être beaucoup plus protectionnistes. Ils vont changer leurs priorités en accordant une place beaucoup plus importante aux questions internes au détriment des questions internationales. Nous sommes aussi face à des États qui vont changer de nature. On va assister au retour de l’État social, avec de nouveaux rôles et de nouvelles missions. On assistera certainement aussi, après la vague des privatisations des dernières décennies, à un retour des nationalisations dans plusieurs secteurs stratégiques de l’État”.

Le directeur du Centre marocain des études stratégiques pointe, par ailleurs, du doigt la gouvernance sanitaire internationale.

“On peut relever une certaine hésitation, des difficultés, voire même une mauvaise appréciation de la situation qui a été celle des organisations internationales chargées de ces questions face à coronavirus, que ce soit au niveau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou de l’ONU et de l’ensemble de ses instances”, précise-t-il, avant d’ajouter: “On a décelé l’absence d’une initiative forte et claire de leur part. Elles ont été hésitantes, ce qui a causé beaucoup de problèmes pour les Etats qui attendaient des signaux ou des gestes de la part de ces instances internationales”.

S’agissant de l’Afrique, M. Benhammou tire la sonnette d’alarme quant à la situation actuelle du continent et l’incapacité de nombre de ses États à faire face à la crise du coronavirus. “L’Afrique est malheureusement aujourd’hui une bombe à retardement. Ce continent, qui dans les semaines à venir risque d’être un épicentre de la pandémie du coronavirus, n’est pas outillé. La sonnette d’alarme doit être tirée. On s’occupe, certes, de plusieurs épicentres : On a vu la Chine qui a passé le relais à l’Europe qui passe le relais à l’Amérique et surtout aux Etats-Unis, si je peux m’exprimer ainsi. Mais la crainte est que le grand feu s’installe en Afrique”, souligne M. Benhammou.

Par ailleurs, M. Benhammou appelle à accepter le changement imposé par la nouvelle conjoncture liée à la gestion de la pandémie et de l’anticiper pour mieux installer des réformes et élaborer une nouvelle forme de gouvernance que sur les plans interne ou international.

“Cette crise nécessite aujourd’hui une nouvelle forme de gouvernance et des élites en mesure de relever les défis. C’est dans des défis de cet ampleur qu’on reconnaît les leaderships. A ce titre, on peut dire qu’au Maroc grâce aux orientations et aux directives de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, grâce à cette approche qui a anticipé les événements et grâce à l’engagement de l’ensemble des autorités publiques, on peut dire que le Maroc gère bien cette pandémie et je pense que les résultats qu’on est en train d’observer sont plutôt positifs et le seront jusqu’à la fin de la crise”, conclut-il.

*MAP

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