L’incertitude en vedette au deuxième tour des élections présidentielles en Argentine - Par Hicham Lakhal

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Javier Milei, un cadidat excentrique qui se manifestait chaque mois pour organiser un tirage au sort afin de remettre son salaire de parlementaire à l’heureux gagnant.

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Par Hicham Lakhal (MAP – Buenos aires)

Buenos Aires - Lorsque l’on interroge les analystes politiques sur l’issue probable du deuxième tour de l’élection présidentielle en Argentine, qui se déroule ce dimanche, on est souvent surpris par une réponse pour le moins inhabituelle de la part d’experts qui scrutent depuis des années les événements politiques, économiques et sociaux dans ce pays sud-américain. Personne ne le sait.

Les élections présidentielles de cette année sont un grand mystère pour les observateurs qui se retrouvent face à deux « phénomènes singuliers ». D’une part, un candidat ultralibéral qui représente le parti « Liberté en avant », Javier Milei, et un autre qui est l’émanation directe de la mouvance péroniste très enracinée en Argentine et qui se présente au nom de la coalition « Union pour la Patrie », Sergio Massa.

Milei était un illustre inconnu sur la scène politique, jusqu’à ce qu’il décroche en 2021 un siège de député. Il se manifestait chaque mois pour organiser un tirage au sort afin de remettre son salaire de parlementaire à l’heureux gagnant.

Cet économiste de 51 ans a le statut d’outsider qui a créé une immense surprise en arrivant en tête des élections primaires (Août 2023), devant deux professionnels de la politique : Massa et la candidate de l’opposition traditionnelle du centre-droit, Patricia Bullrich.

Au premier tour (22 octobre), Milei était arrivé à la deuxième place devant un autre « phénomène » qui n’est autre que Massa, le ministre sortant de l’Économie et candidat de la majorité, qui a terminé son mandat avec une inflation supérieure à 140 % et des réserves de la Banque centrale à leur niveau le plus bas, mais qui a réussi à rester dans la course vers La Casa Rosada, le palais présidentiel en Argentine.

Selon Julio Burdman, analyste politique et professeur de relations internationales à l’Université de Buenos Aires, « nous sommes confrontés à des élections complexes et peu claires, mais je pense que le secret réside dans la possibilité d’un report de voix obtenues par Patricia Bullrich (23,61%) en faveur de Milei. Dans ce cas, il pourrait avoir une chance, mais il est loin d’être dans une position confortable. »

Pour ce professeur au Collège de Défense de Buenos Aires, Massa a fait une bonne campagne électorale. Il a peut-être atteint la limite des voix qu’il pourrait obtenir, et le jour du scrutin, les électeurs se rappelleront des problèmes laissés par le gouvernement auquel il appartient.

Burdman a reconnu que comme beaucoup de ses collègues, il ne sait pas ce qui pourrait se passer lors de ces élections, et que « tout ce qui reste à faire c’est d’attendre, et rien d’autre que d’attendre" le 19 novembre au soir.

Ce qui compliquerait le choix des Argentins, c’est qu’il n’y a pas de position médiane entre ces deux candidats qui représentent deux modèles complètement différents. D’une part, un libéral pur et dur qui parle de « traitement de choc » contre l’inflation, un fléau qui fait des ravages dans la société argentine, et ce en promettant de « dollariser » l’économie et de « fermer » la banque centrale.

Toutefois, ces idées sont viscéralement rejetées par Massa, qui estime que la « dollarisation » n’est pas adaptée à l’économie argentine. Il n’y a que trois pays dans le monde qui l’adoptent, à savoir l’Équateur, le Zimbabwe et le Salvador, et ceux qui n’ont pas de Banque centrale se comptent sur les doigts d’une main.

Milei, pour sa part, accuse Massa de répandre une série de mensonges et de calomnies contre lui, pour effrayer les gens en comparant un éventuel vote pour Milei à « un saut dans le vide ». Cependant, le leader libéral estime que "le véritable saut dans le vide (dont ses détracteurs l’accusent), c’est de continuer sur cette voie de la décadence (…), du statu quo et de ce modèle de pauvreté » qui touche 40% de la population.

Milei aime à répéter que les Argentins sont fatigués de voir la même « caste politique » au pouvoir depuis près de deux décennies, et que Massa n’est finalement qu’une version actualisée du mouvement kirchnériste, lui-même l’émanation du péronisme, qui a été incapable de générer le changement dans un pays en crise.

Massa promet d’être un président libre de toute influence, de quelque type que ce soit et qu’il ne permettra aucune ingérence dans sa conduite des affaires.

Le candidat de la majorité sortante promet que s’il obtient la confiance des Argentins, il va former un gouvernement d’union nationale dans lequel il n’hésiterait pas à inclure des membres de l’opposition.

Quant à Milei qui, en moins de deux ans sur la scène politique, se retrouve en train de caresser le rêve de devenir président, il estime qu’il est le seul candidat à pouvoir résoudre définitivement les problèmes du pays.

Certains observateurs pensent que cet état de fait expliquerait la réticence de Massa et Milei à révéler le nom du prochain ministre de l’Économie. Milei pourrait devenir ministre de l’Économie dans un éventuel gouvernement de Massa s’il est élu président, mais s’il échoue, Milei pourrait reconduire Massa au poste de ministre de l’Économie, tout en le privant de la Banque centrale... Tout cela pourrait paraître surréaliste, mais le réalisme magique se confond avec l’histoire de l’Argentine depuis que Gabriel Garcia Marquez a publié la première édition de « Cent ans de solitude » à Buenos Aires.

 

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