Akhannouch repart au front

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Lors de la campagne de boycott qui a pris pour cible l’entreprise familiale aux côtés d’autres marques, Aziz Akhannoch a su détecter, lui qui a “appris à encaisser”, “un malaise social”, toutefois “exploité à fond à coups de manœuvres politiciennes”

Il faisait chaud, Aziz Akhannouch, président du Rassemblement National des Indépendants (RNI), suait à grosses gouttes, ce samedi 23 février à Dakhla, à l’occasion d’une réunion de communication du parti au niveau de la région de Dakhla-Oued Eddahab. C’en est ainsi quasiment chaque week-end depuis la prise des rênes du parti de la colombe en octobre 2016. Le président, “présent sur le terrain à la rencontre des militants, mouille la chemise”, n'ont pas manqué de remarquer les yeux braqués et observateurs de la scène politique. Objectif: Remettre sur les rails un parti qui perdait du terrain. En effet, le RNI est passé de 52 sièges au parlement suite aux élections de 2011 à 37 sièges à l'issue des législatives de 2016.

Le défi est de taille, mais “pas impossible pour Aziz Akhannouch”, estiment des cadres du parti qui l'ont porté à la tête du RNI. Et pour cause, cet homme d’affaires a su fructifier l’affaire familiale la plaçant parmi les plus grandes fortunes du Royaume. Ministre de l'Agriculture pour trois mandats successifs, il a aussi contribué à faire augmenter le PIB agricole au Maroc de 67% en une décennie.

L'arme secrète du président !

Amorcer la nouvelle dynamique du parti de la Colombe supposait de lancer la bataille sur tous les fronts. Pour ce faire, Aziz Akhannouch, lui, connu pour être discret et homme respectueux du terroir, détient, selon de proches conseillers du Président, “une arme secrète infaillible” et qui a toujours fait ses preuves tout au long de son parcours. Une arme toutefois “peu valorisée dans une scène politique souvent acquise à qui sait crier le plus fort et afficher à grandes logorrhées son populisme”, regrette une source au sein du Parti de la colombe. “Écouter”, “entendre la critique fine”, “en tirer les axes d’amélioration”, en gros, voir le verre à moitié plein”. C’est ainsi que Akhannouch a conquis les militants du parti lors de ses premières tournées régionales en tant que président du RNI et c’est ainsi qu’il compte en élargir la base, conscient que “la voie de la confiance” (c’est le titre du livre qui détaille la vision des Indépendants concernant le nouveau modèle de développement) se construit pierre par pierre et se gagne sur le long terme.

Aziz Akhannouch ressort cette carte, même dans les tumultes. Lors de la campagne de boycott qui a pris pour cible l’entreprise familiale aux côtés d’autres marques, il a su détecter, lui qui a “appris à encaisser”, “un malaise social”, toutefois “exploité à fond à coups de manœuvres politiciennes”, a-t-il indiqué récemment dans un entretien à Jeune Afrique.

Le jujitsu de la politique

Parmi les critiques souvent adressées au RNI, le fait d’être une formation “d’arrivistes, de notables et d'hommes d’affaires”. Une image que le RNI tente aujourd’hui d’ajuster pour en faire une force (attirant par la même occasion plus de cadres), en s'efforçant d’engager tous ses militants à convaincre les populations que ce qui manque justement dans la gestion de la chose publique, que ce soit au niveau des communes et ou des établissements publics, c’est en effet de bons gestionnaires, des hommes de terrain compétents et soucieux de la bonne gouvernance.

Aussi catalogué libéral avec une prédilection pour les secteurs économiques, “le RNI élargit son offre politique se positionnant aujourd’hui comme un parti de centre, au référentiel démocratique et social basé sur la justice sociale”, note un observateur de la scène politique. Dans ce sens, il tente d'aborder désormais, sans complexe, des thématiques ayant trait à la santé, à l’enseignement et à l'emploi, n’hésitant pas à marquer son désaccord ou prendre position quant à une orientation du gouvernement quand le besoin s’en fait ressentir ou par rapport à un sujet d’actualité. 

Une campagne électorale avant l’heure ?

Une des critiques les plus fréquemment adressées aux partis politiques et qui a la peau dure est d’être “des officines électorales”, qui ne font surface qu’à l’approche d’un scrutin. Il s'agit, là-aussi, d'un axe d'amélioration que le président du RNI aurait pris au sérieux pour repositionner son parti sur l'échiquier politique. Par l'organisation régulière de tournées régionales et dans plusieurs villes, tout au long de la saison politique, “le parti occupe le terrain et encadre les citoyens via les différentes organisations parallèles mises depuis deux ans en place afin de remédier aux failles organisationnelles du parti”, laisse-on entendre parmi les rangs de cette formation politique. Dans ce sens, on cite la création des instances de la jeunesse, des étudiants, des femmes, des ingénieurs, des avocats, des médecins, des comptables, des chauffeurs de taxi, des scouts, des commerçants… La dernière en date, l’organisation d’un congrès de la 13ème région, celle des Marocains du monde, samedi 9 mars à Madrid.

Même au niveau de la communication, le parti a investi massivement le digital et les réseaux sociaux, n’hésitant pas à déployer des moyens colossaux à ce niveau. Ce sont-là autant de chantiers qui ont enclenché une nouvelle dynamique et qui font que le RNI se rajeunit et compte aujourd’hui pas moins de 120.000 adhérents, selon des statistiques communiquées par le parti à BAB. 

Mais toujours est-il qu'à mi-mandat de l'actuel gouvernement, ce foisonnement est surtout perçu par certains -Ceux-là même qui pointent l’absence d’encadrement des partis- comme une campagne électorale avant l’heure pour les législatives prévues en 2021.

Les rivaux et même des alliés dans l'embarras

C’est ainsi que les rivaux du parti ne cachent pas leur irritation, en premier l’ancien secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD) (parti allié dans la coalition gouvernementale) et ancien chef du gouvernement, Abdalilah Benkirane. Preuve en est, les piques de ce maître de la rhétorique sont de plus en plus fréquentes depuis qu’il est à la retraite. Et même des alliés commencent à exprimer leur gêne, au point que des voix au sein de l’Union constitutionnelle (UC), parti avec lequel le RNI forme un même groupe parlementaire, appellent à mettre fin à cette fusion, tellement elles se sentent dans l’ombre des ailes déployées de la Colombe, rapportent récemment diverses sources dans les médias. Mais là-encore dans sa mue, est-ce que Akhannouch saura entendre cette critique? “De toute manière, personne ne peut nier que la reconversion du RNI est en cours, le train est en marche”, explique un membre du parti. Cela correspond à la sagesse qui professe qu’on ne change pas le monde, ici en l'occurrence un pays, sans soi-même changer. “Dans cette voie, nous serons guidés par une vision, qui puise ses racines dans notre histoire et notre identité. Une vision qui considère que la justice sociale signifie: La justice pour tous, la responsabilité de chacun”, souligne Aziz Akhanouch dans le livre “la Voie de la confiance”.

*Mensuel BAB de Maghreb Arabe Presse

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