Cinéma, mon amour de Driss Chouika: LE GUÉPARD, UNE FRESQUE HISTORIQUE SUR LE DÉCLIN DE LA NOBLESSE SICILIENNE

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 Le film se déroule dans la Sicile du XIXe siècle, pendant le Risorgimento, mouvement politique et social qui conduit à l'unification de l'Italie. Dans ce contexte, Luchino Visconti illustre les bouleversements politiques et sociaux à travers le prisme de la famille Salina, une famille aristocratique

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« Il y a toujours une inspiration d’origine littéraire dans mes films. Je me suis formé avec Shakespeare, Stendhal, Balzac et Proust, j’aime raconter des tragédies, les tragédies des grandes familles dont l’écroulement coïncide avec l’écroulement d’une époque ».

Luchino Visconti. 

Adaptation du roman éponyme de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, palme d’or au Festival de Cannes en 1963, en plus de plusieurs autres récompenses et prix prestigieux, "Le Guépard" (Il Gattopardo) est un film qui occupe une place de choix dans la filmographie de Luchino Visconti, l’un des plus illustres cinéastes italiens, et dans l’industrie cinématographique de l’époque. Il a été restauré et présenté au Festival de Cannes 2010, dans la section “Cannes Classics”.

Ce film bien particulier est une fresque historique et dramatique qui explore le déclin de la noblesse sicilienne et l'ascension de la bourgeoisie durant la période du Risorgimento en Italie. Porté par une performance inimitable de Burt Lancaster dans le rôle du Prince Salina, "Le Guépard" reste une œuvre cinématographique d'une grande importance à la fois pour son traitement esthétique et pour sa profondeur thématique. 

DÉCADENCE ET DÉCLIN DE L'ARISTOCRATIE

L'un des thèmes centraux du film est la décadence de l'aristocratie. Le Prince Salina est un homme conscient du déclin inévitable de son monde. Sa célèbre réplique, "Il faut que tout change pour que rien ne change", résume bien cette acceptation fataliste de la transition historique. Le film illustre magnifiquement l'inertie et le détachement de la noblesse face aux changements sociaux et politiques, marquant la fin d'une ère et le début d'une nouvelle. Le prince observe avec une mélancolie lointaine l'avènement d'un nouveau système dont il pressent les limites et les contradictions.

Le film se déroule dans la Sicile du XIXe siècle, pendant le Risorgimento, mouvement politique et social qui conduit à l'unification de l'Italie. Dans ce contexte, Luchino Visconti illustre les bouleversements politiques et sociaux à travers le prisme de la famille Salina, une famille aristocratique. Le Prince Salina, interprété par Burt Lancaster, incarne la noblesse déclinante, tandis que son neveu Tancredi (Alain Delon) symbolise la nouvelle génération aspirant au changement et au modernisme.

Visconti, lui-même issu de l'aristocratie italienne déchue, traite avec une grande sensibilité et une certaine nostalgie les dilemmes et les défis de cette classe sociale confrontée à l'inexorable évolution de l'histoire. Il montre comment la noblesse, autrefois puissante et influente, est progressivement remplacée par la bourgeoisie montante, pragmatique et plus adaptable aux nouvelles conditions socio-économiques.

En contraste avec le Prince Salina, Tancredi représente l'adaptabilité et la ruse nécessaires pour survivre dans un monde en mutation. Son opportunisme est symbolisé par sa décision de rejoindre les troupes de Garibaldi, une démarche qui lui permet de rester en bonne position, quel que soit le résultat des bouleversements sociaux. Tancredi incarne le pragmatisme et l'agilité de la nouvelle classe montante, qui n'hésite pas à remettre en question les structures établies pour saisir de nouvelles opportunités. La relation entre Tancredi et Angelica (Claudia Cardinale), la belle et riche fille de la bourgeoisie montante, incarne l'union stratégique entre ces deux mondes. Leur romance est à la fois passionnée et politisée, transcendée par la symbolique de l'ascension sociale.

ESTHÉTIQUE ET SYMBOLIQUE DES COULEURS

Luchino Visconti, connu pour son sens aigu du détail et son amour du réalisme, a créé une œuvre d'une grande beauté visuelle. Les décors somptueux, les costumes raffinés et les paysages siciliens sont filmés avec un soin méticuleux. Chaque scène est composée comme un tableau, soulignant la grandeur et la décadence d'une époque révolue.

Visconti utilise les couleurs de manière symbolique pour renforcer les thèmes du film. Les teintes dorées et les rouges profonds dominent les scènes de faste et de luxe, évoquant la splendeur passée de l'aristocratie. En revanche, les couleurs plus sombres et ternes des séquences extérieures et des moments de réflexion du Prince Salina mettent en avant le sentiment de déclin et de désolation. Les scènes de bal, en particulier, sont un chef-d'œuvre de mise en scène et de symbolisme visuel. Le ballet de couleurs et de mouvements dans la séquence du bal illustre non seulement le luxe mais aussi la vacuité de l'aristocratie dans ses derniers moments de gloire.

La richesse thématique, esthétique et visuelle du film est bien soutenue par la musique de Nino Rota qui a composé une bande originale qui magnifie l'émotion des scènes et contribue à accentuer l'atmosphère nostalgique du film. Les performances des comédiens ont aussi joué un rôle essentiel dans la réussite du film. Burt Lancaster est parvenu à incarner avec une grande profondeur et complexité le personnage du Prince Salina. Il réussit à transmettre la force tranquille et la mélancolie de cet homme vieillissant, conscient des transformations inévitables qui l'entourent. De même, Alain Delon et Claudia Cardinale apportent une énergie vibrante à leurs rôles respectifs.

Avec ce film inimitable, Visconti nous offre une œuvre cinématographique maîtresse, avec une réflexion poignante sur la temporalité et l'évolution des sociétés, un témoignage éternel de l'humanité confrontée au changement. 

FILMOGRAPHIE DE LUCHINO VISCONTI (LM)

« Les amants diaboliques » (1943) ; « Le terre tremble » (2005) ; « Oeufs » (1948) ; « Bellissima » (1951) ; « Senso » (1954) ; « Nuits blanches » (1957) ; « Rocco et ses frères » (1960) ; « le Guépard » (1963) ; « Sandra » (1965) ; « L’étranger » (1967) ; « Les damnés » (1969) ; « Mort à Venise » (1971) ; « Ludwig ou le crépuscule des Dieux » (1973) ; « Vilence et passion » (1974) : « L’innocent » (1976).

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