Terrorisme, gérer l’après Mossoul

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L’idéologie jihadiste fascisante doit être combattue efficacement. Cela présuppose une adhésion de tous, y compris les musulmans. Pour y arriver, ceux-ci ne doivent pas se sentir mis en accusation. L’islamophobie est un vrai frein à l’engagement du monde musulman dans la refonte de la pratique religieuse

 

Trois ans après la déclaration d’al-Baghdadi à la mosquée Nouri, aujourd’hui détruite, l’armée irakienne a repris le contrôle de Mossoul ou de ce qu’il en reste. C’est assurément une grande victoire contre Daech, qui perdra Raqqa, ce n’est plus qu’une question de temps. Mais croire que le terrorisme vit ses dernières heures serait une erreur fatale. Déjà, en Irak, Al-Qaïda, avec Zarqaoui, puis l’Etat islamique, ont prospéré sur le chaos né de l’invasion de 2003. Entre les communautés religieuses, les ethnies, il faudra trouver une solution politique. Cette solution a été compliquée par l’intervention des puissances régionales. L’Iran utilise les chiites, la Turquie s’octroie le droit de défendre les turkmènes et d’interdire la naissance d’une entité kurde. Depuis 14 ans, les sunnites sont l’objet de toutes les exactions. C’est ce qui explique le soutien de tribus des Anbar à l’EI, qui est une réalité. Ce cocktail est explosif, mais beaucoup moins que celui de la Syrie. Dans ces conditions, il faudrait de l’ingéniosité à la communauté internationale pour aboutir à des Etats stables, au-delà des élections. 16 ans après l’intervention américaine en Afghanistan, les Talibans, mais aussi l’EI, frappent à Kaboul. C’est la preuve que des victoires militaires ne règlent pas le problème quand on ne s’attaque pas aux causes par un projet politique viable. Ajoutons à cela que le terrorisme est en Libye, au Sahel, aux Philippines, au Nigéria avec Boko Haram, dans sa version de groupe armé et partout dans le monde dans son format réduit à une cellule ou un individu. L’armée et les sécuritaires sont en première ligne et jouent un rôle important, mais seuls, ils demeurent largement insuffisants. La lutte contre le terrorisme doit viser l’assèchement de ses sources. L’idéologie jihadiste fascisante doit être combattue efficacement. Cela présuppose une adhésion de tous, y compris les musulmans. Pour y arriver, ceux-ci ne doivent pas se sentir mis en accusation. L’islamophobie est un vrai frein à l’engagement du monde musulman dans la refonte de la pratique religieuse qui ne peut être menée que dans un processus serein. Il faut aussi assécher les sources financières. Elles ne proviennent pas uniquement du Moyen-Orient. Daech vendait et vend du pétrole, du coton syrien, des pièces archéologiques. Les acheteurs sont des occidentaux, souvent des sociétés ayant pignon sur rue. C’est une réalité connue, mais il n’y a eu aucun procès jusqu’à aujourd’hui. Cela signifie-t-il que c’est toléré ? Enfin, on sait bien que ce genre de terrorisme, celui des groupes guerriers, prolifère là où les Etats sont affaiblis ou en faillite. La stabilité devrait donc redevenir la priorité de tout le monde. Or, les grandes puissances continuent à agir en fonction d’intérêts égoïstes. Quand elles ne participent pas directement à la déstabilisation, comme en Irak ou en Libye. La stabilité est clairement liée à des phénomènes de pauvreté et d’absence de perspectives. Pourtant, pour réduire ses dépenses, la France, par exemple, a annulé son budget d’aide internationale, cela vient d’être annoncé. Or, tout le monde s’accorde pour dire qu’il faut développer les contrées démunies pour combattre le phénomène migratoire et le terrorisme qui en profite. Mais dès qu’il faut payer, il n’y a plus personne. Le combat contre le terrorisme risque d’être très long, parce qu’il n’y a pas de vision politique globale. Les victoires militaires sont de bonnes nouvelles, mais ne signifient pas l’éradication du phénomène.