Halieutis

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Par Abdeslam Seddiki - Espérons que cette réflexion du CESE sur la pêche servira de  point de départ à l’élaboration par les pouvoirs publics d'un « halieutis bis » 

Alors que le Maroc  dispose d’une côte qui s’étend sur  3500 km, le secteur de la pêche ne représente que 1% de la valeur ajoutée nationale  (PIB). C’est un paradoxe réel et non des moindres qui montre que notre potentiel halieutique est loin d’être exploité comme il se doit.  En vue de développer le secteur, un plan décennal a vu le jour en 2009, baptisé « halieutis », avec des objectifs chiffrés pour l’horizon 2020 : assurer un PIB annuel de 22 MM DH avec une production en volume de 1,66 million de  tonnes, créer 115 000 emplois directs et 510. 000 emplois indirects, réaliser 3,1 MM $ comme chiffre d’affaires à l’export, porter la consommation locale du poisson à 16 kg/hab. et assurer la durabilité de la ressource. Pour ce faire, 16 projets stratégiques ont été prévus   et des actions ciblées ont été lancées. Où en sommes-nous aujourd’hui par rapport à ces objectifs ?

Les données disponibles  pour 2017, en attendant celles de 2018, nous permettent de conclure que le bilan est globalement positif. Le verre est plein à plus de moitié pour ainsi dire. Ainsi, la production totale a atteint 1,4 MT  soit un taux de réalisation de 84% par rapport à l’objectif fixé pour 2020.Au niveau des exportations, le taux de réalisation est de 70,5%. Pour ce qui est de l’emploi, les objectifs ont été apparemmentdépassés avec 700 000 emplois directs et indirects, bien qu’on ne distingue pas entre les uns et les autres.   Il en est de même de la consommation locale qui n’est pas loin de la moyenne des 16 kg/hab. Celle-ci demeure toutefois insuffisante si on se compare à des pays fortement consommateurs de poisson comme le Japon (33 kg/hab.) ou l’Espagne (27kg/hab.) qui s’approvisionne, faut-il le rappeler, du marché marocain essentiellement.  Cette consommation limitée du poisson dans un pays comme le nôtre est due essentiellement à un effet prix, aggravé par les défaillances de la chaine d’approvisionnement et les disparités manifestes entre les régions du littoral et les régions de l’intérieur. Une autre insuffisance réside dans la transformation de la matière première puisque 40 % des exportations se font à l’état frais, occasionnant ainsi un manque à gagner tant en termes de création de valeur ajoutée qu’en termes d’emplois.

En définitive, ce bilan positif ne doit pas occulter les éléments de faiblesse et les goulots d’étranglement du secteur. D’où la nécessité de revoir la politique suivie  pour en faire, à l’avenir, un levier stratégique du nouveau modèle de développement de notre pays et un moyen d’assurer notre sécurité alimentaire. A cet égard, il faut saluer le travail préliminaire que vient de réaliser tout récemment le CESE en publiant un avis sur la question.

Ainsi,  le CESE nous invite à dépasser l’approche traditionnelle de la richesse halieutique pour nous inscrire dans une optique nouvelle : celle de l’économie bleue. « Le concept de l’économie bleue, en plus des secteurs maritimes traditionnels tels que lapêche, le tourisme et les activités portuaires, comporte désormais de nouveaux secteursporteurs de forts potentiels de croissance : aquaculture, écotourisme, bioproduits marins ou biotechnologie, construction navale, etc. » est-il dit  dans le rapport.

Pour tirer profit du potentiel de son espace maritime, le Maroc devrait, de l’avis du Conseil,  se doter d’une stratégie de l’économie bleue selon une approche éco systémique, qui consolide durablement les secteurs productifs traditionnels (pêche, infrastructures portuaires, tourisme…), qui accélère la croissance autour de secteurs émergents (comme l’aquaculture) et qui identifie des secteurs d’avenir, comme notamment les biotechnologies et la gestion des ressources génétiques liées à la biodiversité marine. Une telle stratégie doit intégrer les principes de la durabilité et de la soutenabilité afin de positionner le Maroc dans une économie durable, inclusive, équitable, prospère et intégrée dans les flux d’échanges internationaux.

On regrettera, cependant, que l’auto saisine du Conseil n’ait pas procédé au préalable à un diagnostic de l’existant ne serait-ce que pour avoir un avis  émanant d’une institution dont la crédibilité et le sérieux ne sont plus à démontrer.

Espérons, dans tous les cas, que cette réflexion du CESE servira de  point de départ à l’élaboration par les pouvoirs publics d’un nouveau plan de développement. Serait-ce un « halieutis bis » ?

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