Démission de Hariri: une ''fausse bonne nouvelle'' pour les manifestants ?

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Pour Karim Bitar, spécialiste du Liban et directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), la démission du Premier ministre libanais Saad Hariri est peut-être "une fausse bonne nouvelle" pour les manifestants qui réclament un changement complet de la classe politique.

Il estime aussi que le mouvement aura besoin de trouver des leaders et de se structurer pour affronter des élections.

Est-ce une vraie victoire pour les manifestants?

"Les manifestants se sont réjouis en ayant le sentiment que c'était une première étape vers la transition qu'ils souhaitent, une évolution vers une citoyenneté libanaise, un gouvernement indépendant.

Mais il se peut que ce soit une fausse bonne nouvelle, que la démission permette à la classe politique libanaise de gagner du temps et que ce soit en quelque sorte une manœuvre dilatoire destinée à démobiliser l'opinion publique. Faire en sorte que la vie reprenne son cours et que, dans quelques jours ou quelques semaines, on prenne les mêmes et on recommence (...). Il faut donc rester extrêmement méfiant.

La classe politique mise sur un essoufflement, c'est quelque chose de très clair. Elle espère que les Libanais, pris a la gorge par la crise économique, vont reprendre leur vie ordinaire, contraints de gérer leurs urgences quotidiennes".

M. Hariri peut-il rester Premier ministre ?

"Une des hypothèses avancées serait qu'il revienne à la tête d'une équipe entièrement remaniée, mais à ce stade on est encore dans un flou artistique.

On se trouve dans une situation sans précédent alors même que le Liban a déjà connu beaucoup de phases d'incertitude. Tout le monde a été pris de cours par ces événements et tout est encore possible. 

Dans les revendications (...), il y a celle d'un gouvernement neutre, indépendant et démocratique qui serait dirigé par une autre personnalité que Saad Hariri. C'est peut-être une demande qui sera difficile à faire accepter par les élites aujourd'hui, mais cela reste au cœur des revendications populaires".

Une des revendications du mouvement c'est aussi que ce gouvernement indépendant, s'il voit le jour, dote le pays d'une nouvelle loi électorale qui serait plus équilibrée que la précédente.

Le plus important c'est que cette loi encadre très étroitement les dépenses électorales et assure un égal accès aux médias de tous les candidats. C'est par cela que passe le renouvellement de la classe politique auquel les Libanais aspirent".

Comment le mouvement peut-il évoluer ?

"Ce mouvement doit se structurer, maintenir une certaine unanimité dans les revendications, c'est-à-dire un renouveau total du système politique, un gouvernement neutre, technocratique et indépendant aussi bien vis-à-vis des leaders communautaires libanais que des puissances extérieures.

Dans un premier temps, la force de ce mouvement est venue du fait que c’est un mouvement sans leader, dans lequel chacun peut se reconnaître et qui ne peut pas être confisqué par quelque mouvance politique que ce soit.

Mais cette force deviendra un handicap lorsqu'il s'agira de transformer l'essai, lorsqu'il faudra aller aux élections législatives et affronter des partis qui eux sont extrêmement structurés, bien financés et -il ne faut l'oublier- avec des leaders qui conservent une certaine popularité.

C’est un peu ce qui s'était passé en Egypte en 2011. 

Dans un premier temps une révolution sans leader qui a enthousiasmé toute la jeunesse, mais dès lors que les législatives sont arrivées, on a vu que ceux qui s'étaient mobilisés avaient beaucoup de mal à transformer la mobilisation populaire en votes ; et ce sont les Frères musulmans et les salafistes qui avaient obtenu à eux deux près de 60%".

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