L’alizé improbable

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Cette nuit,  les feuilles agonisent sous le râle constant, froid et insensible. Le vent du soir arrache les derniers souffles de sève à la branche rabougrie. Sans pitié, il l’accule à encore plus de dénuement. Le vent règne en seigneur, despote et intransigeant. Dans sa croisade, il ne laisse aucun recoin. Il s’engouffre dans les vides et finit par m’habiter.

Je me lève et sors à sa rencontre. Dehors, la vie a déserté les rues.  Dehors, la ville se barricade derrière les vitres doubles et épaisses, livrant ainsi les feuilles en pâture. Elles tombent, en rafale à mes pieds et je suis impuissante devant ce carnage. Tant de feuilles jaunies, saisies à vif. Elles meurent dans la dignité, nous offrant leur beauté en guise d’adieu. Partez en paix, un manteau d’hiver vous tiendra bientôt au chaud.

Souffle vent d’automne, je te défierai. Je marcherai ce soir contre toi dans l’allée fantôme, jusqu’à ce que tu abdiques. Car ta bourrasque finira par tomber, comme toutes celles d’avant. Du vent, je n’ai nulle peur, moi la fille de l’Alizé et du Sirocco.

Je marche en te tenant tête et je suis transportée de Montréal à Essaouira. Là bas, le chant des esclaves t’a dompté.

Tu devrais y aller Aquilon, tu apprendrais l’harmonie du son.

Je n’ai nulle peur de toi Vent. C’est de l’humain que je crains la morsure.

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