De la responsabilité des intellectuels

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C’est la Jeunesse qui est en attente d’un tel travail intellectuel en profondeur. Vu la désaffection pour l’écrit, la faible attractivité de la lecture, Internet devient le champ de bataille des idées. Il est de la responsabilité de nos intellectuels de s’y investir pour donner de la substance, offrir des éclairages, susciter la curiosité et patiemment élever le niveau des débats.

On peut le déplorer certes, mais on ne peut nier aujourd’hui le rôle de la toile dans la formation de l’opinion publique. Il suffit de naviguer sur facebook pour se rendre compte du désarroi de la jeunesse marocaine - celle qui est connectée en tous cas - et surtout de la pauvreté de ses débats.

Les islamistes, pas seulement au Maroc, ont une véritable armée, c’est un fait. A la moindre phrase publiée sur le PJD ou sur l’islam politique, des commentaires fusent, avec les mêmes éléments de langage, ce qui affaiblit la thèse de la spontanéité. C’est de bonne guerre et on ne peut leur reprocher d’investir un média d’une telle importance. Mais qu’y a-t-il d’autres ? Rien d’autre que du très inquiétant !

Un discours nihiliste alimenté par des rumeurs, souvent sans fondement, entretenu par une certaine presse, ou encore une démission absolue face au devenir commun, à la chose publique. On y trouve aussi le relais de toutes les théories complotistes, de l’antisémitisme primaire, des attaques personnelles à profusion, une incapacité de débattre. Pour mener un débat, il faut argumenter. Or, ce n’est pas nécessaire d’argumenter pour poster un commentaire. Surtout qu’on voit bien que ces jeunes, et parfois de moins jeunes, n’ont aucun argument. Il y a une absence de culture, qu’elle soit politique ou générale, une méconnaissance de l’Histoire, y compris récente, aucune adhésion à un champ référentiel, ou à un champ de valeurs.

Ce n’est pas de leur faute. Le système éducatif a failli dans son ensemble. L’école est au premier rang des responsables, mais le tissu associatif, les partis politiques, les médias audiovisuels, ont aussi leur part de responsabilité. Nous connaissons leur défaillance, et si on s’arrête au constat, il est peu probable que les choses bougent dans le bon sens.

C’est pour cela que sont interpellés les intellectuels de ce pays. Historiquement, ici comme ailleurs, les intellectuels, les penseurs ont joué un rôle essentiel dans le progrès des sociétés. Au Maroc, ils ont été à la base des idées de modernité, de démocratie, de droits de l’Homme. Ils ont fourni un corpus aux organisations politiques, aux associations, dont ils étaient parfois membres actifs. A l’indépendance, la direction de la centrale syndicale était entourée d’intellectuels. Ceux-ci ont créé le théâtre ouvrier, organisaient des conférences dans les locaux, sortaient deux quotidiens, etc.

Ce rôle s’est effiloché au fil des ans et on ne peut que le regretter, car cet encadrement par la pensée produisait des dirigeants de très haut niveau, qui ont permis au Maroc d’avancer. Aujourd’hui, c’est la Jeunesse qui est en attente d’un tel travail en profondeur. Vu la désaffection pour l’écrit, la faible attractivité de la lecture, Internet devient le champ de bataille des idées. Il est de la responsabilité de nos intellectuels de s’y investir pour donner de la substance, offrir des éclairages, susciter la curiosité et patiemment élever le niveau des débats. Très peu le font, parce qu’ils sont rétifs à l’outil, dont ils trouvent les formats peu propices à leur expression.

Cette attitude a été dépassée dans d’autres pays où les penseurs, les écrivains ont leur blog, leur page et arrivent à se conformer aux règles de la toile, sans que leurs propos perdent de leur pertinence. C’est une mission citoyenne, si on veut éviter qu’une génération, plusieurs générations même ne sombrent dans l’ignorance, qui est encore plus dangereuse quand elle se pare de l’illusion d’un savoir. Et pour cause ! Ces jeunes, parce qu’ils consomment de la pseudo-information, croient détenir les moyens de jugements péremptoires, sans avoir le moindre outil d’analyse, la moindre connaissance de la complexité des situations.

Aujourd’hui, les intellectuels doivent assumer leurs responsabilités.

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