Mort pour la France !

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Mort pour la France ! Ce texte aurait pu s’intituler : « Exécrable France », en opposition nostalgique de La Douce, pas celle exactement chantée par Charles Trenet, mais celle, humaine et généreuse, qui concevait encore son passé colonial comme une dette. La France qui était encore capable, au milieu des année soixante-dix, de mettre dans la rue des dizaines de milliers de manifestants pour s’opposer aux 10 000 francs qu’offrait le secrétaire d’État Lionel Stoléru aux immigrés pour les inciter à rentrer chez eux, sans que l’on se rende compte qu’en ce dernier quart de siècle c’était déjà le début de la fin de la Douce France.

Dans la Douce France de notre nostalgie, il n’y avait pas de place pour Marine Le Pen, Robert Menard, Eric Zemmour, Levioleur Desfemmes Alian Fienkelkrault de son nom et consorts. Ni de lieu pour la compétition de à qui gerbera le plus et le plus fort sur les musulmans sans distinction de race ou de religion. Ni encore d’espace à la confusion et la fusion de l’antisionisme et l’antisémitisme pour en faire une arme de dissuasion afin de réduire au silence absolu tous ceux chez qui la destruction des maisons, l’assassinat des enfants, le bombardement quasi quotidien des territoires palestiniens par un Etat prédateur et sans complexe, seraient susceptibles de provoquer fut-ce une réprobation impuissante. 

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La Douce France c’est celle qui s’estompe avant de s’effacer complétement quand un jeune et fringant président, fort sympathique par ailleurs, d’un air courroucé admoneste ses pairs africains, les convoque à Pau, exigeant d’eux, sur un ton péremptoire et condescendant de clarifier on ne sait trop quoi. Ecoutons-le : 

« Nous devons à très court terme reclarifier le cadre et les conditions politiques de notre intervention au Sahel, d’abord et avant tout avec les cinq Etats africains membres du G5 Sahel. J’attends d’eux qu’ils clarifient et formalisent leurs demandes à l’égard de la France et de la communauté internationale. Souhaitent-ils notre présence, ont-ils besoins de nous ? Je veux des réponses claires et assumées sur ses questions ?»  Rompez les rangs !  

La course au positionnement

Morts pour la France ! C’est en entendant ces injonctions présidentielles que ce cri de « morts pour la France » revient à son sens dans l’amplitude qui est la sienne, « une mention honorifique posthume ajoutée à l’état civil » de ceux tombés au champ d’honneur pour la patrie. 

Gardons-nous de contester aux soldats morts au Mali leur apport considérable au cantonnement des forces de l’obscurantisme qui marchaient triomphalement sur Bamako. Mais ils sont morts en premier et dernier lieu pour les intérêts stratégiques, mot-valise dont le cœur est économique, de leur pays.

Ceci étant, les homologues africains d’Emanuel Maroc pourraient aisément lui renvoyer ses propres propos : La France souhaite-elle sa présence chez nous et a-t-elle besoin de nous ? L’Afrique est déjà suffisamment un vaste champ de bataille pour que l’on ait besoin d’en rajouter. Puissances d’hier et d’aujourd’hui, et celles en devenir, s’y adonnent à une course de positionnement sans merci. Etatsuniens, Français, Britanniques, Russes, Chinois, Indiens, Allemands, Turcs, voire Émiratis qui ont de l’argent à ne plus savoir quoi en faire, se disputent férocement des positions pour leurs forces.

En dehors de « Brakhane » qui s’inscrit, en principe, dans les opérations extérieures temporaires (opex), le déploiement militaire français en Afrique dispose de deux bases opérationnelles avancées à Djibouti, la plus importante et la plus stratégique), et en Côte d’Ivoire, ainsi que de deux anciennes bases au Sénégal et au Gabon. Ces données relèvent de l’information open puisées dans un article de RFI qui dépend des Affaires étrangères françaises. Ce n’est donc là, certainement, que la face visible de l’iceberg.  

En dépit de tout cela on a pu entendre le chef d’état-major des armées françaises, qui se déclare « raisonnablement pessimiste », assurer que ses troupes ne pourront pas arriver à bout des groupes djihadistes. Etonnant, non ? 

Le premier ministre français Edward Philipe a déjà discouru au Forum de Dakar sur les « impuissances » des armées conventionnelles face au terrorisme. Mais les propos du chef d’état-major, c’est comme si Dédier Deschamps disait avant la coupe du Monde que sa sélection ne pourra pas surmonter tous les matchs qui mènent au glorieux trophée. 

En fait, la vérité est ailleurs. Ce qu’entend le général Jean-Louis Borel, c’est perdurer et préserver, au nom de la sécurité de la France et accessoirement de l’Europe, les raisons déclarées de la présence des forces française, justifiant le renforcement de ses moyens et la consolidation de son budget. Les États Unis, de plus en plus enclins à déserter l’OTAN, ayant décidé de mener leur propre jeu en Afrique, faisant peu de cas partout dans le mode des intérêts européens, contraignent la France à se doter des moyens d’étendre ou du moins de protéger ses acquis dans le continent.   

Morts pour la France ! Débarrassée des fioritures et des atours dont on habille les entreprises indicibles parce qu’inavouables, cette mention remet les relations franco-africaines, mais c’est aussi valable pour toutes les autres puissances, dans les vraies dimensions humaines sur lesquelles on peut fonder des rapports plus ou moins sains, plus ou moins justes, plus ou moins sincères. Sachant bien qu’on n’exige pas d’un État d’être philanthrope ou de se départir du rapport de force. Seulement le minimum de décence requis. On ne demande pas davantage, voire ni autant. Il faut juste savoir humilité garder.    

 

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