Les Marocains ont choisi : ce qu’il faut retenir du scrutin du 7 octobre

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Force est de constater que vendredi 7 octobre, le PJD n’a pas vraiment  été comptable de son bilan. C’est surtout un vote « émotionnel » qui a assuré la victoire des islamistes

Des lendemains qui chantent et déchantent. Experts, spécialistes, commentateurs et autres diseurs de destin politique se succèdent ce samedi 8 octobre 2016 sur les plateaux de télévision pour décortiquer, analyser et commenter les résultats du scrutin législatif qui a fait voter vendredi 43% du corps électoral marocain. Deux grandes forces politiques se dégagent, loin devant six autres partis traditionnellement représentés sous la coupole du parlement. Il s’agit du parti arrivé en tête, le PJD, et de la principale force de l’opposition, le PAM. La polarisation fût-elle forcée est-elle en marche? Toujours est-il que les prémisses de bipolarisation annoncées dans une campagne électorale où les islamistes du PJD et les « modernistes » du PAM ont tenu le haut de l’affiche se précisent. Sur le grand tableau des résultats, 79 sièges séparent le premier et le troisième parti. L’écart entre le PAM et l’Istiqlal est lui aussi significatif. Avec 56 sièges de différence, on est loin du « pas de vainqueur, pas de vaincu ».

Les résultats définitifs tels que proclamés un peu avant midi ce samedi 8 octobre par le ministère de l’intérieur placent les islamistes du PJD en grand vainqueur de cette élection. Avec 125 sièges (98 obtenus dans les circonscriptions locales et 27 sur la liste nationale), le PJD a fait mieux qu’en 2011 –une prouesse pour un parti au pouvoir– et, logiquement, il est appelé à conduire le prochain gouvernement. Le parti de la lampe devra au préalable constituer sa majorité.   

Sur la deuxième marche du podium, le Parti Authenticité et Modernité confirme qu’il est le principal challenger des islamistes du PJD. Fort de 102 sièges (81 dans les circonscriptions locales et 21 sur la liste nationale), le PAM est lui aussi en progression par rapport aux législatives organisées dans le sillage de la constitution adoptée en 2011.

Quant à la troisième force politique représentée à la chambre des députés, elle est loin derrière le PJD et le PAM. Avec 46 députés (35 élus dans les circonscriptions locales et 11 sur la liste nationale) l’Istiqlal est en recul par rapport à son score de 2011. L’effet Chabat a-t-il nui au plus vieux parti marocain, champion électoral depuis l’indépendance ? Les istiqlaliens seront sans nul doute appelés à répondre à la question.

En dépit d’un mode de scrutin qui ne favorise pas la cohérence politique, quelques  enseignements des législatives du 7 octobre doivent être tirés pour essayer de mieux décrypter la vie politique durant les 5 prochaines années.

-La victoire du PJD est incontestable. Voici un parti au pouvoir qui fait mieux que lorsqu’il était à l’opposition.  Sur le mode de la victimisation, un boulevard a été ouvert au PJD.  De la marche de Casablanca aux affaires sexuelles en passant par les fuites selon lesquelles «  en haut lieu on ne veut pas de Benkirane et de son parti », un élan de solidarité a probablement fini par se créer en faveur d’un « parti qui veut barrer la route au tahakoum ». En communicateur instinctif, Benkirane n’a d’ailleurs pas fait campagne sur le bilan de son gouvernement –et il a eu raison au regard de tous les mauvais indicateurs engrangés- mais sur tout le mal qu’on lui veut, lui et les siens.   Résultat, il est plébiscité à Salé. Sa liste remporte 3 sièges sur 4 et est présentée depuis samedi soir comme une preuve supplémentaire de sa légitimité. Force est de constater que vendredi 7 octobre, le PJD n’a pas vraiment  été comptable de son bilan. C’est surtout un vote « émotionnel » qui a assuré la victoire des islamistes.

-Le Parti Authenticité et Modernité confirme que la théorie des pôles est possible.  Il a pu tenir tête à la vague islamiste et en atténuer même les effets.  Les 5 prochaines années ne seront pas de tout repos pour les islamistes. En face, avec le PAM, ils auront une opposition coriace, solide, et surtout pas aphone.  Reste la question que beaucoup se posent.  Le PAM aurait-il pu remporter rafler la première place ? Si ce n’était le problème d’image de son leader, ce parti aurait pu être sur la première marche grâce à ses maillages  sur le terrain ainsi que les notabilités qu’il a présentées aux élections.

-Ces élections ont donné à voir la fin de la gauche. Confirmant sa descente aux enfers, l’Union socialiste des forces populaires arrive péniblement à obtenir 20 sièges. Les socialistes en ont perdu 19 depuis la dernière législature. L’alternance n’est plus qu’un souvenir. Sous le tandem Driss Lachgar-Habib El Malki, les usfpéistes tireront-ils les enseignements de leur défaite ou préféreront-ils accuser l’Etat ? Les prochaines heures le diront.

Autre gauche qui n’a pas pu marcher vers la victoire, le PPS. L’allié fidèle des islamistes au pouvoir n’a obtenu que 12 sièges (7 dans les circonscriptions locales et 5 sur la liste nationale). Les résultats sont loin d’être à la mesure de l’engagement conservateur des anciens communistes qui ont soutenu le PJD au détriment de leurs valeurs propres. L’alliance n’a pas été payante. Le sacrifice de Benabdallah et de sa formation politique non plus.  Et à l’évidence, le corps électoral qui en appelle à de la clarté politique leur a tourné le dos.

-La fédération de gauche qui tentait de « vendre » une troisième voie n’a remporté que deux sièges et sa secrétaire générale Nabila Mounib n’a pas été élue, la liste nationale de FDG n’ayant pas obtenu le seuil. La petite enveloppe jaune qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux n’a pas rempli les urnes. La politique sur le virtuel n’est pas la vraie vie.  Responsables et militants de la FDG l’ont appris à leurs dépens.

 

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