La voix de l’Amérique

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Abdalilah Benkirane s’est inscrit dans un agenda précis que les différentes officines de renseignement américaines avaient élaboré, dans un premier temps pour contrer l’Union soviétique et par la suite morceler la sphère arabo-musulmane

En s’exprimant dans un site palestinien sur la Syrie et le rôle de la Russie dans le conflit qui oppose Bachar Al Assad, non pas à une panoplie de mouvements islamistes plus ou moins de la même obédience, mais aux grandes capitales du monde occidental, le chef du gouvernement désigné, Abdalilah Benkirane, n’a commis ni bourde, ni dérapage, ni bévue. Ce n’est pas nouveau. En plein renversement des frères musulmans en Egypte, il avait affiché au congrès de son parti le signe « rabia », un symbole de la solidarité avec les frères musulmans, alors qu’il était dans la plénitude de ses charges gouvernementales. Auparavant, son épouse et ses enfants manifestaient dans la capitale auprès des péjidistes dénonçant le coup d’Etat de l’armée égyptienne sans se soucier de la position officielle de Rabat sur la question aux antipodes de celle du PJD. Un geste qu’il devra payer par la suite en assumant la mission d’être l’émissaire du Roi auprès du maréchal Sissi, chef de fil des putschistes. Il avait stoïquement avalé la couleuvre sans en penser moins et surtout sans jamais se renier, comme il aime dire. Benkirane sait ce qu’il est et sait ce qu’il veut. Pour ceux qui croient encore que le partipationnisme de ce que l’on appelle par euphémisme les « islamistes gouvernementaux » est une option stratégique, il est temps de se réveiller.

Abdalilah Benkirane, supposé à la fin des années soixante-dix, début des années quatre-vingts dans une semi clandestinité, s’est inscrit dans un agenda précis que les différentes officines de renseignement américaines avaient élaboré dans un premier temps pour contrer l’Union soviétique et par la suite morceler la sphère arabo-musulmane. Il est alors un assidu des réceptions de l’ambassade de Washington à Rabat et fait fonction, si ce n’est de recruteur, de facilitateur de visas pour les volontaires qui voulaient rejoindre l’Afghanistan. Plus tard, cette intimité avec les USA va se manifester publiquement au moins à deux occasions : Une première fois lorsque après les attentas islamistes du 16 mai 2003, l’ambassadrice américaine à Rabat, Margaret Tutwiler, fit savoir aux journalistes en présence de Mustapha Khalfi, qui a suivi une formation aux USA aux frais des Américains, qu’il n’était pas question d’isoler un PJD mis à l’index et sur le grill. Et une deuxième fois quand, après le 20 février 2011, les dirigeants islamistes crièrent sur tous les toits, après une rencontre avec l’ambassadeur agissant en proconsul, que Washington ne voyait aucun inconvénient à leur participation au gouvernement. Dans ce processus, la déclaration de Benkirane sur la responsabilité de la Russie, dont l’intervention n’a été que tardive, dans ce qu’il advient de la Syrie s’inscrit dans cet ordre contre naturel des choses. Le chef du gouvernement désigné qui n’ignore pas le véritable rôle des occidentaux menés par les USA dans la destruction et le morcellement des Etats arabes, qui sait pertinemment que « les rebelles » islamistes blessés se font soigner en Israël, qui ne s’est jamais prononcé quand l’aviation israélienne bombardait pendant cette sale guerre des positions stratégiques de l’armée de Bachar, ne peut pas ne pas savoir en condamnant Moscou qu’il commet une transgression, certainement volontaire, à des fins de politique intérieure et qu’en même temps il se fait le porte-voix des Américains, ou du moins cherche à leur complaire.

 

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