Einstein, Dieu et les juifs

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Par Naïm Kamal - Einstein, Dieu et les juifs. Pour le prix Nobel de la physique, Dieu n’est rien d’autre que l’expression et le produit des faiblesses humaines. Et les juifs ne sont pas meilleurs que les autres groupes humains, il ne perçoit rien d’« élu » chez eux 

Abdalilah Benkiarne, passé par la faculté des sciences a, normalement, des notions de physique qui lui permettraient de comprendre mieux que d’autres ce juif qu’était Albert Einstein. Surtout que ce dont il s’agit est en relation avec l’autre pan de la culture de Benkiarne, et se branche sur le Tout Puissant Créateur de Tout.

Mais je présume que l’emblématique figure d’une partie des islamistes marocains ne pourrait être intéressée par une lettre sur Dieu du prix Nobel de physique. Il aurait tort. Car il ne saura pas à coté de quoi il passe.

La lettre sur Dieu a été adressée au philosophe néerlandais Eric Gutkind, auteur de l’ouvrage Choisir la vie : l’appel biblique à la révolte. L’épître est une sorte de mise au point aux croyances du philosophe qui a abusé dans son traité du recours aux idées du physicien. La lettre est un bijou dans la bourse des documents intelligents. Financièrement d’abord : la réplique d’Einstein est passée aux enchères de 404 mille $ en 2008 à 2,89 millions en 2018. Intellectuellement ensuite : c’est une valeur ajoutée appréciable dans la bibliothèque universelle des esprits lucides.

Albert Einstein n’est pas un mécréant né. Ne lui attribue-t-on pas une enfance de dévot ? Seules les lumières de la science l’en ont ramené. Il n’en est pas devenu pour autant un athée. Trop peu et trop facile. Einstein est, pour ainsi dire, un déiste dans les ‘’limites’’ spacieuses qu’a tracées à la foi Spinoza. Elles épousent les contours de l’Univers en perpétuelle extension.

Les gens, je dis les gens pour y regrouper tous les genres, n’ont pas attendu pour faire de la contemplation un outil de la quête de Dieu. Pratiquement toutes les religions, monothéistes ou autres, y ont eu recours. Malheureusement elles ont dépassée la contemplation pour attribuer, selon Einstein, des fonctions dominantes aux choses inanimées ou occultes. Tandis que Spinoza ne va pas plus loin : le Créateur est intrinsèque à la création. Il est la création. Sans finalités, sans morale.

Dès lors, Dieu dans son acception commune n’est pour lui « rien d’autre que l’expression et le produit des faiblesses humaines, et la Bible [il aurait pu dire aussi le Coran] un recueil de légendes vénérables mais malgré tout assez primitives. Aucune interprétation, aussi subtile soit-elle, n’y changera rien […]».

Abdalilah Benkirane n’est pas d’accord, je le pressens. Dieu, pour lui, ne peut être, comment dire, qu’un être supra universel. Mais ce que déduit le prix Nobel de sa conception de la déité dans son application à l’humain, notamment l’hébraïque,  intéresserait sans doute beaucoup Benkiarne. « Pour moi la religion juive est comme toutes les autres religions, l’incarnation d’une superstition primitive, écrit Einstein. Et le peuple juif auquel j’appartiens fièrement, et dont je me sens profondément ancré à la mentalité, n’a pas pour autant une forme de dignité différente des autres peuples. Au vu de mon expérience, ils ne sont pas meilleurs que les autres groupes humains, même s’ils sont protégés des pires excès par leur manque de pouvoir. Sinon je ne perçois rien d’« élu » chez eux. »

Des évidences, bien sûr. Qui prennent dans la bouche d’Einstein une dimension ravageuse inimaginable. Surtout qu’elles sont consignées une dizaine d’année après la découverte de la Shoa. En un paragraphe, il détruit tout ce que Théodore Herzl et son organisation sioniste mondiale ont construit sur le sémitisme et la terre promise.  Les faits survenus par la suite ont fini par lui donner raison : le sionisme et le pouvoir qu’il a acquis en terre palestinienne ont nivelé Israël à hauteur du reste de l’humanité, capable de  de ce qu’il appelle les pires excès.

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