Activités royales : deux discours

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Le Roi Mohammed VI a adressé deux discours, l’un au premier Sommet arabo-européen, qui a ouvert ses travaux dimanche 24 février à Charam El Cheikh en Egypte et le deuxième à la première Conférence de la Commission Climat pour la Région du Sahel, ce lundi 25 février.

Placé sous le thème "Investir dans la stabilité", le sommet se penche, deux jours durant, sur l'examen des différentes questions d'intérêt commun à leur tête l'immigration, la sécurité, la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme et la coopération conjointe, ainsi que le développement et le soutien de la stabilité dans la région. 

S’agissant la première Conférence de la Commission climat pour la région du Sahel,  le Souverain a souligné l'importance du lancement du Plan d’Investissement Climat pour la région Sahel et de son Programme Régional Prioritaire qui complétera les projets "d’ores et déjà en cours".

Voici le texte intégral du discours Royal du Sommet arabo-européen ,dont lecture a été donnée lundi par le Chef du gouvernement, M. Saad Dine El Otmani qui a été chargé par le souverain de le représenter :

J’ai le plaisir d’exprimer d’abord à Son Excellence, Monsieur Abdel Fattah al-Sissi, Président de la République Arabe d’Egypte, et à travers lui, au peuple égyptien frère, Mes remerciements et Ma considération pour avoir accueilli ce premier Sommet UE-Ligue des Etats Arabes et pour les efforts déployés par le gouvernement égyptien qui a créé les conditions favorables à sa réussite. Mes remerciements s’adressent également à Monsieur Donald Tusk, Président du Conseil européen, qui copréside ce Sommet. 

Je remercie aussi Son Excellence, Madame Federica Mogherini, Haute Représentante de l’Union Européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, et Son Excellence, Monsieur Ahmed Aboul Gheit, Secrétaire général de la Ligue des Etats Arabes, d’avoir judicieusement piloté les groupes de travail qui ont préparé les dossiers soumis à l’appréciation du Sommet.

La sécurité et la stabilité du monde arabe

Nous qui sommes ici réunis dans le cadre du Premier Sommet UE-Ligue arabe, nous vivons en ce jour un moment fort du dialogue euro-arabe, au moment même où la conjoncture est riche en développements géostratégiques directement sensibles dans nos deux régions. Etape clé dans la relation entre nos deux ensembles, cette assemblée illustre notre volonté commune de hisser ce processus à des niveaux élevés. Outre des effets tangibles sur la sécurité et la stabilité de nos deux régions, une telle entreprise ouvrira sans doute des perspectives prometteuses à la coexistence pacifique de nos peuples et leur apportera la prospérité économique et sociale souhaitée.

Le Sommet d’aujourd’hui est d’une importance capitale pour le monde arabe, car il pose les jalons d’un dialogue qui s’inscrit d’ores et déjà en bonne place dans l’ensemble des relations tissées avec les Etats, les regroupements, les organisations régionales ou internationales. Si l’intérêt accordé à ce sommet découle tout naturellement de la proximité géographique et de l’héritage historique, sa manifestation est, plus particulièrement, l’expression concrète d’une conviction partagée et l’aboutissement d’un travail humain, intellectuel et culturel global, qui puise ses références fondamentales dans la tradition permanente de dialogue et d’échange entre les civilisations arabe et européenne. 

A cet égard, le Royaume du Maroc, qui a acquis, depuis des décennies, une expérience fructueuse singulière avec le partenaire européen, notamment dans le cadre du statut avancé, aspire à élever cette dynamique collaborative à des niveaux supérieurs. Aussi, il est disposé à faire évoluer la coopération euro-arabe vers un partenariat innovant puisant ses ressources dans la richesse du patrimoine culturel et civilisationnel de chaque partie. Et il entend faire en sorte que, par une interaction féconde, elle constitue un véritable levier pour la construction d’une relation solide et équilibrée, adossée aux valeurs et aux intérêts communs, au respect mutuel, au dialogue constructif. 

Par conséquent, Nous estimons que ce sommet est une bonne opportunité pour rappeler ce fonds civilisationnel et humain et en faire une solide plate-forme vers une coopération effective, fondée sur une vision claire et des plans d’action réalistes, voués au service des intérêts communs et mutuellement bénéfiques.

Le Roi Mohammed VI appelle à une « réflexion profonde et responsable »

L’état de la coopération euro-arabe, considéré à l’aune de son volume matériel et de son capital intellectuel, requiert une nécessaire évaluation objective et sereine de son bilan actuel, une reconsidération de ses axes, la définition de priorités stratégiques, présentes et futures, le perfectionnement de ses méthodes de travail. Il s’agit in fine d’en consolider les bases et d’en rehausser la performance. 

En conséquence, Nous sommes appelés aujourd’hui à inscrire nos débats et nos dialogues dans une réflexion responsable et profonde autour des modalités de mise en œuvre effective de cette coopération. Pour cela, il faudra élaborer une conception intégrée et cohérente du projet d’avenir que Nous voulons pour notre espace et il conviendra de faire en sorte qu’une telle vision repose sur un ordre des priorités rationnel, des objectifs rigoureusement définis et une approche collaborative fondée sur l’anticipation et dotée de moyens d’action souples et évolués. 

Pour Notre part, Nous estimons que cette conception intégrée nécessite de se focaliser sur certaines priorités :

Premièrement : la sécurité de la Nation arabe doit rester une affaire strictement arabe, tenue à l’abri de toute ingérence et de toute interférence extérieure. Toutefois, dans la mesure où l’atteinte à la sécurité de notre région constituerait immanquablement une atteinte à la sécurité de l’Europe, voire du monde entier, il faut souligner l’effort international que peuvent apporter des partenaires fiables. 

A cette occasion, Je tiens à souligner que la sécurité et la stabilité du monde arabe sont menacées par des défis périlleux que génèrent parfois les politiques et les comportements de certains de ses pays à l’égard d’autres. A ce propos, Nous rappelons avec insistance qu’adhérer aux principes de bon voisinage, de respect de la souveraineté nationale des États et de leur intégrité territoriale, s’abstenir de toute ingérence dans leurs affaires internes et, le cas échéant, y mettre un terme, permettront d’éliminer cette menace. 

Deuxièmement : promouvoir le renouveau du monde arabe. Il incombe à l’Europe d’aider ses voisins arabes à atteindre l’essor économique, scientifique et technologique nécessaire pour réduire les disparités économiques et sociales qui séparent les deux partenaires. A cet effet, il convient de promouvoir des projets de développement concrets qui redéfinissent les filières de circulation des investissements et des personnes et d’instaurer des équilibres productifs qui répondent aux préoccupations sécuritaires, économiques et sociales communes.

Les échanges commerciaux entre l’UE et les pays arabes

En effet, l’Union européenne est le deuxième partenaire économique des pays arabes. Cependant, les échanges commerciaux entre les deux parties, bien qu’importants et denses, restent en-deçà de nos espérances. En outre, ces échanges se caractérisent par leur asymétrie : le taux des importations arabes en provenance de l'UE s'élève à 27% du volume global, alors que celui des exportations arabes à destination de l'Europe est de 11%.

Troisièmement : configurer les partenariats futurs de manière à créer un environnement intellectuel, culturel et médiatique propice à la coexistence et à la coopération entre les peuples des deux régions. Cette action permettra l’intégration des générations montantes et l’enracinement des valeurs de tolérance et d’acceptation de l’Autre, au-delà des stéréotypes éculés, loin de toute forme d’exclusion et de rejet qui engendre irrémédiablement une logique d’affrontement et d’antagonisme. 

A cet égard, Nous aspirons à bâtir une relation saine entre le monde arabe et l’Europe ; une relation affranchie de tout préjugé et non sujette aux contrecoups d’événements éphémères. Au Maroc, Nous estimons que, désormais, une gestion commune des questions d’immigration et de lutte contre le terrorisme, sous leurs multiples aspects, peut être envisagée selon une approche intégrée et globale associant la notion de responsabilité partagée à l’impératif de développement commun.

À ce propos, Nous formons le souhait que ce Sommet soit l’occasion d’élaborer cet ambitieux projet et de mettre en place ses mécanismes de fonctionnement. La tâche n’est pas malaisée : nous disposons en effet déjà de mécanismes et de structures en place, en particulier « le dialogue 5 + 5 », ainsi que « l’Union pour la Méditerranée ». Nous espérons que les structures et les programmes de l’UMP seront réactivés pour imprimer une dynamique vigoureuse à la coopération euro-arabe. 

Nous saisissons cette occasion pour appeler les groupements arabes régionaux, dont l’Union du Maghreb arabe à laquelle nous appartenons, à jouer pleinement le rôle qui leur revient dans le développement de nos relations avec le partenaire européen, en dépassant les écueils politiques et les différends bilatéraux qui entravent le processus de décollage et de développement.

L’avenir d’Al-Qods Al-Charif

Nonobstant la vision optimiste et les aspirations légitimes que suscite une telle coopération, Nous ne perdons jamais de vue la nécessité de rappeler quelques-uns des principaux défis auxquels notre espace est confronté. Au premier chef figurent la question palestinienne et l’avenir d’Al-Qods Al-Charif, auxquels, en qualité de Président du Comité Al-Qods, relevant de l’Organisation de la Coopération Islamique, Nous accordons une attention particulière. 

À cette occasion, Nous réaffirmons la nécessité de préserver le statut juridique de la Ville sainte qui fait partie intégrante des territoires palestiniens occupés en 1967, dans le cadre de la solution des deux États; Nous réaffirmons aussi la nécessité de parvenir à une paix globale pour tous les peuples de la région, conformément aux constantes précédemment convenues lors du forum de notre dialogue, et nous rappelons particulièrement l’impératif de permettre au peuple palestinien d’exercer son droit à créer son État indépendant, avec pour capitale Jérusalem-Est.

En conclusion, Je renouvelle la disposition pleine et entière du Royaume du Maroc à s’engager avec sérieux et réactivité dans toute nouvelle dynamique qui hisserait le dialogue euro-arabe au niveau d’une coopération réelle et rentable, dans l’intérêt bien compris des pays des deux régions, et pour que se concrétisent in fine les aspirations et les attentes de leurs peuples respectifs.

1ère Conférence de la Commission Climat pour la Région du Sahel 

La lecture du discours royal de la Commission Climat pour la Région du Sahel s’est penché sur plusieurs aux défis du changement climatique et la contribution du Maroc quant à l’investissement climatique dans la dite région.

Voici le texte intégral du Discours Royal dont lecture a été donnée par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, M. Nasser Bourita:

« Il M'est particulièrement agréable de M’adresser aux Chefs d’Etat et de Gouvernement réunis à l’occasion de la 1ère Conférence de la Commission Climat pour la Région du Sahel.

Le Sahel, ce trait d’union entre le Nord et le Sud de l’Afrique, est aujourd’hui soumis aux impacts considérables du dérèglement climatique. L’enjeu majeur est donc d’aborder la question du climat de manière efficiente tout en s’attelant aux objectifs de développement socio-économique et en répondant aux impératifs sécuritaires. 

A cet égard, Je tiens à exprimer à Mon frère, le Président Mahamadou Issoufou, Mes sincères félicitations pour le chemin parcouru afin d’opérationnaliser la Commission Climat de cette région.

Le positionnement géographique du Niger lui confère tout naturellement une centralité qui lui permet de promouvoir la stabilité, la sécurité et le développement de la région du Sahel, et donc de tout notre Continent.

Sahel : L’investissement climatique pour répondre aux aspirations

Le constat est clair : les menaces climatiques qui pèsent sur la région du Sahel sont connues ; elles affectent la vie quotidienne des populations et influent négativement sur le développement socio-économique et la stabilité régionale.

Dans cet espace stratégique, on mesure, davantage qu’ailleurs, comment les conditions de vie sont intimement influencées par l’environnement.

Les pénuries alimentaires et la baisse des réserves en eau ainsi que la désertification, provoquées par le réchauffement climatique continueront à pousser notre jeunesse sur le chemin de l’exil, privant ainsi notre Continent d’une partie de ses forces vives.

De telles menaces exigent, de notre part et de la part de nos partenaires, à la fois d’investir massivement et de s’investir totalement pour répondre aux aspirations des populations et aux objectifs d’un développement inclusif.

Le combat pour la justice climatique est, pour les Africaines et les Africains, un combat pour l’accès à une vie meilleure et digne ainsi qu’à un avenir prometteur.

Car, la justice climatique ne doit pas seulement être un slogan ; elle doit être pour nous tous une exigence : l’exigence de donner à nos populations un accès sécurisé aux ressources de base. C’est ainsi que nous préserverons notre jeunesse du désespoir, lui évitant par là même de devenir la proie d’organisations criminelles et terroristes.

Plan d’Investissement Climatique : Le Maroc prend en charge les études de faisabilité

La mobilisation des acteurs contre les effets dévastateurs des changements climatiques ne saurait s’arrêter aux frontières nationales. Elle doit transcender tous les clivages.

C’est ainsi que le Sommet Africain de l’Action, tenu à Notre initiative, en novembre 2016, à Marrakech, en marge de la COP22, a constitué un acte politique fort. Nous, Chefs d’Etat africains, avons, lancé une dynamique autour de projets transnationaux ambitieux et concrets, pilotés par trois commissions, dont le Maroc est partenaire fondateur :

• La Commission du Bassin du Congo, présidée par la République du Congo ; 

• La Commission du Sahel, présidée par la République du Niger ; et

• La Commission des Etats insulaires, présidée par la République des Seychelles.

Une première étape a été franchie, l’année dernière, chez Notre frère, le Président Sassou-Nguesso, à Brazzaville, lors du 1er Sommet de la Commission Climat du Bassin du Congo. Ont alors été jetées les bases d’une mobilisation des parties prenantes et d’une démarche innovante et audacieuse; bases d’actions d’avenir, porteuses d’espoir et de solutions concrètes pour les populations locale et régionale.

C’est dans ce même esprit que nous sommes réunis ici, à Niamey, afin de renforcer nos actions et leur cohérence, par des propositions nouvelles. Le lancement du Plan d’Investissement Climat pour la région Sahel et de son Programme Régional Prioritaire complétera ainsi les projets, aussi vitaux que nécessaires, d’ores et déjà en cours.

A cet égard, J’ai le plaisir d’annoncer que le Royaume du Maroc s’engage à prendre en charge les études de faisabilité pour finaliser ce Plan d’Investissement Climatique.

Par ailleurs, la Commission pourra compter sur le Centre de Compétences Changement Climatique du Maroc : 4C Maroc, notamment en matière de renforcement des capacités de ses membres. Mis en place en 2014, ce Centre constitue un espace d’excellence national et continental pour le développement et la diffusion des savoirs et des meilleures pratiques en matière de changement climatique. 

La jeunesse africaine nous engage à ouvrir le chemin des possibles et à inscrire notre Continent sur une trajectoire vertueuse, créatrice d’opportunités. L’avenir de l’Afrique repose sur notre capacité à imaginer de nouvelles formes de réponses solidaires, selon un engagement concret et respectueux de tous les partenaires, ceux du Sud comme ceux du Nord.

La région du Sahel, qui regroupe des pays de l’Est, du Centre et de l’Ouest de l’Afrique, peut devenir un modèle d’intégration régionale avancée sur les plans économique, environnemental, politique et humain. La Commission Climat pour la Région du Sahel est l’un des leviers qui lui permettra d’atteindre cet objectif.

L’histoire s’est nouée dans cet espace et son avenir se jouera ici. Nous devons aux générations futures un engagement politique adossé à une action concertée et solidaire, visant à faire face aux défis climatiques.

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