De Mao à Xi, un gigantesque défilé pour l'anniversaire du régime chinois

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Plus de 100.000 figurants, une marée de drapeaux rouges et des chars de carnaval pour dépeindre "l'ascension de la Chine" : Pékin a célébré mardi les 70 ans du régime communiste avec un gigantesque défilé tout à la gloire du président Xi Jinping. Arrêt sur images

 70 coups de canon 

Le coup d'envoi des célébrations est donné par 70 coups de canon tirés depuis l'immense place Tiananmen, au cœur de Pékin, là-même où Mao Tsé-toung proclama la République populaire le 1er octobre 1949.

L'hymne national est entonné par plusieurs dizaines de milliers de soldats et civils devant d'immenses caractères jaunes proclamant "Fête nationale 1949 - 2019".

L'accès au défilé est très étroitement contrôlé et l'hypercentre de la capitale chinoise entièrement bouclé. Pas question pour le Pékinois moyen de se rendre sur place sans invitation et papiers d'identité.

Trois générations

 

Installé au balcon de la porte Tiananmen, qui donne accès à l'ancien palais impérial, le président Xi Jinping, en costume Mao, est accompagné des plus hauts dirigeants du pays, ainsi que de ses deux prédécesseurs encore en vie: le peu charismatique Hu Jintao, cheveux grisonnants, qui a dirigé la Chine de 2003 à 2013, et l'influent Jiang Zemin, au pouvoir avant lui.

L'ex-président Jiang, 93 ans, apparaît très affaibli, le visage blême sous d'épaisses lunettes noires et soutenu par un garde du corps. 

Xi Jinping prononce un discours présenté comme "important" par les médias officiels, mais qui ne dure que sept minutes.

 'Merci pour votre travail' 

Aavant un gigantesque défilé militaire -le plus grand jamais organisé dans le pays selon la presse officielle- Xi Jinping passe les troupes en revue le long de l'immense avenue de la Paix éternelle qui traverse Pékin d'est en ouest. 

"Merci pour votre travail", leur lance le président debout dans une limousine noire vintage de marque "Drapeau rouge".

"Nous sommes au service du peuple", répondent en choeur les 15.000 soldats et officiers présents avant de défiler sous la tribune officielle en présentant les armements dernier cri de l'armée chinoise: missiles, drones et bombardiers.

Xi se salue lui-même 

Après le défilé militaire, la parade civile.

Des milliers de figurants entourent quatre chars transportant d'immenses portraits des quatre précédents dirigeants de la République populaire: Mao Tsé-toung, Deng Xiaoping, Jiang Zemin et Hu Jintao.  

Venant en dernier, Xi Jinping a également droit à son char et à son portrait géant --une première. Depuis la tribune, le dirigeant -toujours impassible- se "salue" lui-même à son passage. 

Fête "populaire" 

TGV chinois dernière génération, anneaux olympiques en référence aux Jeux de Pékin de 2008 mais aussi faucille et marteau : 70 chars de carnaval défilent en musique pour retracer les accomplissements du régime.

 Au programme, différents tableaux dépeignant "l'ascension de la Chine", jadis "humble" et aujourd'hui devenue "riche et puissante", selon la présentation officielle.

Cent mille figurants surexcités, agitant d'innombrables fanions et drapeaux rouges, composent ce défilé civil. Des participants soigneusement triés sur le volet et qui ont répété l'exercice depuis des mois, allant jusqu'à porter... des couches, toute pause pipi étant interdite.

Chaque province a droit à son char, y compris Taïwan, l'île de facto indépendante mais que la Chine considère comme une de ses provinces et menace de récupérer par la force. 

Colombes et ballons

Clin d'œil aux 70 ans du régime, 70.000 colombes et 70.000 ballons sont lâchés à la fin du défilé. 

Seul couac à la chorégraphie : un ciel voilé par la pollution, alors que la Chine a pour habitude d'assurer un ciel bleu azur lors des grandes manifestations politiques, en stoppant temporairement usines et chantiers. Mais la météo a fait des siennes en maintenant la pollution au sol.

Missiles, drones, bombardiers : la Chine dévoile ses nouvelles armes

Missiles destructeurs, bombardiers, drones ultra-rapides ou furtifs: la Chine a dévoilé mardi, pour les 70 ans du régime communiste, de nouveaux armements visant à combler son retard technologique sur les Etats-Unis.

Le défilé militaire de ce 1er octobre a illustré la modernisation de l'armée voulue par le président Xi Jinping, qui veut lui faire atteindre un niveau "de classe mondiale" d'ici 2049 -- pour le centenaire de la République populaire.

"Les nouvelles armes nucléaires présentées témoignent de progrès considérables", déclare à l'AFP Adam Ni, spécialiste de l'armée chinoise à l'université Macquarie de Sydney.

"Elles sont de plus en plus mobiles, résistantes, fiables, précises et de haute technologie", souligne M. Ni, selon qui "la dissuasion nucléaire de la Chine gagne en crédibilité face aux Etats-Unis".

Les deux pays sont à couteaux tirés en mer de Chine méridionale, où ils rivalisent d'influence, et sont engagés depuis 2018 dans une guerre commerciale à l'issue incertaine.

Dans ce contexte, Pékin a sorti le grand jeu en présentant pour la première fois la crème de la crème de ses missiles balistiques intercontinentaux : l'immense DF-41 ("Vent d'Est-41").

D'une grande portée (14.000 km), qui aurait le potentiel de toucher tout point des Etats-Unis, il peut être chargé de plusieurs têtes nucléaires (de trois à 10 selon les observateurs).

Atout du DF-41 : malgré sa vingtaine de mètres, il est mobile et peut se cacher n'importe où dans le pays, contrairement à la précédente génération de missiles balistiques nucléaires, qui devaient être tirés depuis des silos fixes.

 'Vague géante' 

La Chine a également présenté mardi une nouvelle version de son bombardier stratégique, le H6-N, réputé capable d'emporter des armes atomiques plus loin du territoire chinois que précédemment.

Autre point d'orgue du défilé: le missile balistique mer-sol JL-2 ("Vague géante-2"). Chargé dans des sous-marins, il pourrait toucher l'Alaska et l'ouest des Etats-Unis.

"Cet étalage d'armes atomiques n'est pas le signe d'un changement de stratégie nucléaire de la Chine", assure à l'AFP Cui Yiliang, analyste et rédacteur en chef du magazine chinois "Xiandai Jianchuan", spécialisé dans les armements.

"Elle continuera à entretenir un petit mais performant arsenal nucléaire. Le but, c'est d'assurer une dissuasion nucléaire et une riposte crédible en cas d'attaque de la part d'un pays tiers."

Du côté des armes conventionnelles (non-atomiques), la Chine a dévoilé un nouveau missile de croisière supersonique, nommé DF-100 et capable de neutraliser des porte-avions.

Mais l'autre "star" du défilé a été le missile DF-17, lequel peut, une fois l'altitude voulue atteinte, relâcher un "planeur hypersonique". En clair: une arme en forme de nez d'avion de chasse, taillée en flèche, capable d'évoluer à environ 7.000 km/h.

Sa capacité de rebondir sur les couches de l'atmosphère fait que sa trajectoire est beaucoup moins prévisible que celle des missiles balistiques. Il serait ainsi bien plus difficile à intercepter.

Le Service de recherche du Congrès américain s'inquiétait d'ailleurs dans un rapport publié mi-septembre que l'Amérique soit à la traîne de la Chine sur ces planeurs hypersoniques.

- Des armes crédibles? -

Avec toutes ces nouvelles armes conventionnelles, l'armée chinoise "comble l'écart avec les Etats-Unis et érode les avantages militaires de Washington en Asie", juge Adam Ni.

"La Chine peut ainsi mieux dissuader les Etats-Unis d'intervenir à Taïwan ou en mer de Chine méridionale."

L'armée chinoise a également présenté deux drones.

Le WZ-8 ("Reconnaissance-8") à la vitesse supersonique (près de 4.000 kmh), qui pourrait permettre de collecter des informations sur les porte-avions avant un tir de missile balistique antinavire.

Et le GJ-11 ("Attaque-11"), un grand drone furtif en forme d'aile delta, censé pouvoir embarquer des missiles ou pister des navires étrangers.

"L'industrie chinoise de la défense a fait d'incontestables progrès. Mais il reste du chemin à parcourir à la Chine avant de devenir une puissance technologique militaire égale aux Etats-Unis", note James Char, expert de l'armée chinoise à l'Université de technologie de Nanyang, à Singapour.

"Il faut également souligner qu'au-delà de la présentation d'armes (durant un défilé militaire), on ne sait pas vraiment ce qu'elles sont réellement capables de faire sur le terrain."

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