Dominique de Villepin : Lever la voix face au massacre perpétré à Gaza

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Dominique de Villepin, avocat, ministre des affaires ?trang?res et premier ministre de Jacques Chirac, s??tait d?j? distingu? face ? Colin Powell, secr?taire d?Etat am?ricain en s??levant contre l?intervention am?ricaine en Irak et en accordant peu de cr?dit ? la th?se de la possession par Saddam Hussein des armes de destruction massive, guerre dont on voit les cons?quences d?sastreuses pour l?Irak et le peuple irakien. Dans une tribune publi?e dans le quotidien fran?ais le Figaro, D. de Villepin d?nonce l?attitude de la France face au massacre, le terme est le sien et appelle la France ? Agir.? ?


Lever la voix face au massacre qui est perp?tr? ? Gaza, c'est aujourd'hui, je l'?cris en conscience, un devoir pour la France, une France qui est attach?e ind?fectiblement ? l'existence et ? la s?curit? d'Isra?l mais qui ne saurait oublier les droits et devoirs qui sont conf?r?s ? Isra?l en sa qualit? d'?tat constitu?. Je veux dire ? tous ceux qui sont tent?s par la r?signation face ? l'?ternel retour de la guerre qu'il est temps de parler et d'agir. Il est temps de mesurer l'impasse d'une France align?e et si s?re du recours ? la force. Pour lever le voile des mensonges, des omissions et des demi-v?rit?s. Pour porter un espoir de changement. Par mauvaise conscience, par int?r?t mal compris, par soumission ? la voix du plus fort, la voix de la France s'est tue, celle qui faisait parler le g?n?ral de Gaulle au lendemain de la guerre des Six-Jours, celle qui faisait parler Jacques Chirac apr?s la deuxi?me intifada. Comment comprendre aujourd'hui que la France appelle ? la ?retenue? quand on tue des enfants en connaissance de cause? Comment comprendre que la France s'abstienne lorsqu'il s'agit d'une enqu?te internationale sur les crimes de guerre commis des deux c?t?s? Comment comprendre que la premi?re r?action de la France, par la voix de son pr?sident, soit celle du soutien sans r?serve ? la politique de s?curit? d'Isra?l? Quelle impasse pour la France que cet esprit d'alignement et de soutien au recours ? la force.

Je crois que seule la v?rit? permet l'action. Nous ne construirons pas la paix sur des mensonges. C'est pour cela que nous avons un devoir de v?rit? face ? un conflit o? chaque mot est pi?g?, o? les pires accusations sont instrumentalis?es.

L'?tat isra?lien se condamne ? des op?rations r?guli?res ? Gaza ou en Cisjordanie, cette strat?gie terrifiante parce qu'elle condamne les Palestiniens au sous-d?veloppement et ? la souffrance, terrifiante parce qu'elle condamne Isra?l peu ? peu ? devenir un ?tat s?gr?gationniste, militariste et autoritaire.

Ayons le courage de dire une premi?re v?rit?: il n'y a pas en droit international de droit ? la s?curit? qui implique en retour un droit ? l'occupation et encore moins un droit au massacre. Il y a un droit ? la paix qui est le m?me pour tous les peuples. La s?curit? telle que la recherche aujourd'hui Isra?l se fait contre la paix et contre le peuple palestinien. En lieu et place de la recherche de la paix, il n'y a plus que l'engrenage de la force qui conduit ? la guerre perp?tuelle ? plus ou moins basse intensit?. L'?tat isra?lien se condamne ? des op?rations r?guli?res ? Gaza ou en Cisjordanie, cette strat?gie terrifiante parce qu'elle condamne les Palestiniens au sous-d?veloppement et ? la souffrance, terrifiante parce qu'elle condamne Isra?l peu ? peu ? devenir un ?tat s?gr?gationniste, militariste et autoritaire. C'est la spirale de l'Afrique du Sud de l'apartheid avant Frederik De Klerk et Nelson Mandela, faite de r?pression violente, d'iniquit? et de bantoustans humiliants. C'est la spirale de l'Alg?rie fran?aise entre putsch des g?n?raux et OAS face au camp de la paix incarn? par de Gaulle.

Il y a une deuxi?me v?rit? ? dire haut et fort: il ne saurait y avoir de responsabilit? collective d'un peuple pour les agissements de certains. Comment oublier le profond d?s?quilibre de la situation, qui oppose non deux ?tats, mais un peuple sans terre et sans espoir ? un ?tat pouss? par la peur? On ne peut se pr?valoir du fait que le Hamas instrumentalise les civils pour faire oublier qu'on assassine ces derniers, d'autant moins qu'on a refus? de croire et reconna?tre en 2007 que ces civils aient vot? pour le Hamas, du moins pour sa branche politique. Qu'on cite, outre les ?tats-Unis, un seul pays au monde qui agirait de cette fa?on. M?me si les situations sont, bien s?r, diff?rentes, la France est-elle partie en guerre en Alg?rie en 1995-1996 apr?s les attentats financ?s par le GIA? Londres a-t-elle bombard? l'Irlande dans les ann?es 1970?

Troisi?me v?rit? qui br?le les l?vres et que je veux exprimer ici: oui il y a une terreur en Palestine et en

Il n'y a pas de partenaire en Palestine car les partisans de la paix ont ?t? m?thodiquement marginalis?s par la strat?gie du gouvernement d'Isra?l. La logique de force a l?gitimit? hier le Hamas contre le Fatah. Elle l?gitime aujourd'hui les fanatiques les plus radicaux du Hamas voire le Djihad islamique.

Cisjordanie, une terreur organis?e et m?thodique appliqu?e par les forces arm?es isra?liennes, comme en ont t?moign? de nombreux officiers et soldats isra?liens ?c?ur?s par le r?le qu'on leur a fait jouer. Je ne peux accepter d'entendre que ce qui se passe en Palestine n'est pas si grave puisque ce serait pire ailleurs. Je ne peux accepter qu'on condamne un peuple entier ? la peur des bombardements, ? la puanteur des aspersions d'?eau sale? et ? la mis?re du blocus. Car je ne peux accepter qu'on nie qu'il y a quelque chose qui d?passe nos diff?rences et qui est notre humanit? commune.

Il n'y a aujourd'hui ni plan de paix, ni interlocuteur capable d'en proposer un. Il faut tout reprendre depuis le d?but. Le probl?me de la paix, comme en Alg?rie entre 1958 et 1962, ce n'est pas ?comment??, c'est ?qui??.

Il n'y a pas de partenaire en Palestine car les partisans de la paix ont ?t? m?thodiquement marginalis?s par la strat?gie du gouvernement d'Isra?l. La logique de force a l?gitimit? hier le Hamas contre le Fatah. Elle l?gitime aujourd'hui les fanatiques les plus radicaux du Hamas voire le Djihad islamique. Se passer de partenaire pour la paix, cela veut dire s'engager dans une logique o? il n'y aurait plus que la soumission ou l'?limination.

Il n'y a plus de partenaire pour la paix en Isra?l car le camp de la paix a ?t? r?duit au silence et marginalis?. Le peuple isra?lien est un peuple de m?moire, de fiert? et de courage. Mais aujourd'hui c'est une logique folle qui s'est empar?e de son ?tat, une logique qui conduit ? d?truire la possibilit? d'une solution ? deux ?tats, seule envisageable. La r?signation d'une partie du peuple isra?lien est aujourd'hui le principal danger. Amos Oz, Zeev Sternhell ou Elie Barnavi sont de plus en plus seuls ? crier dans le d?sert, la voix couverte par le vacarme des h?licopt?res.

Il n'y a plus non plus de partenaire sur la sc?ne internationale, ? force de lassitude et de r?signation, ? force de plans de paix enterr?s. On s'interroge sur l'utilit? du Quartette. On d?sesp?re de la diplomatie du carnet de ch?ques de l'Europe qui se borne ? payer pour reconstruire les b?timents palestiniens qui ont ?t? bombard?s hier et le seront ? nouveau demain, quand les ?tats-Unis d?pensent deux milliards de dollars par an pour financer les bombes qui d?truisent ces b?timents.

Face ? l'absence de plan de paix, seules des mesures impos?es et capables de changer la donne sont susceptibles de r?veiller les partenaires de leur torpeur. C'est au premier chef la responsabilit? de la France.

Le deuxi?me outil, c'est la justice internationale. L'urgence aujourd'hui, c'est d'emp?cher que des crimes de guerre soient commis. Pour cela, il est temps de donner droit aux demandes palestiniennes d'adh?rer ? la Cour p?nale internationale, qui demeure aujourd'hui le meilleur garant de la loi internationale.

Le premier outil pour r?veiller la soci?t? isra?lienne, ce sont les sanctions. Il faut la placer devant ses responsabilit?s historiques avant qu'il ne soit trop tard, tout particuli?rement ? l'heure o? il est question d'une op?ration terrestre de grande envergure ? Gaza. Cela passe par un vote par le Conseil de s?curit? de l'ONU d'une r?solution condamnant l'action d'Isra?l, son non-respect des r?solutions ant?rieures et son non-respect du droit humanitaire et du droit de la guerre. Cela signifie concr?tement d'assumer des sanctions ?conomiques cibl?es et gradu?es, notamment pour des activit?s directement li?es aux op?rations ? Gaza ou aux activit?s ?conomiques dans les colonies. Je ne crois gu?re aux sanctions face ? des ?tats autoritaires qu'elles renforcent. Elles peuvent ?tre utiles dans une soci?t? d?mocratique qui doit ?tre mise face aux r?alit?s.

Le deuxi?me outil, c'est la justice internationale. L'urgence aujourd'hui, c'est d'emp?cher que des crimes de guerre soient commis. Pour cela, il est temps de donner droit aux demandes palestiniennes d'adh?rer ? la Cour p?nale internationale, qui demeure aujourd'hui le meilleur garant de la loi internationale. C'est une mani?re de mettre les Territoires palestiniens sous protection internationale.

Le troisi?me outil ? la disposition de la communaut? internationale, c'est l'interposition. ? d?faut de pouvoir n?gocier une solution, il faut l'imposer par la mise sous mandat de l'ONU de Gaza, de la Cisjordanie et de J?rusalem Est, avec une administration et une force de paix internationales. Cette administration serait soumise ? de grands p?rils, du c?t? de tous les extr?mistes, nous le savons, mais la paix exige des sacrifices. Elle aurait vocation ? redresser l'?conomie et la soci?t? sur ces territoires par un plan d'aide significatif et par la protection des civils. Elle aurait ?galement pour but de renouer le dialogue interpalestinien et de garantir des ?lections libres sur l'ensemble de ces territoires. Forte de ces r?sultats, elle appuierait des pourparlers de paix avec Isra?l en en tra?ant les grandes lignes.

Nous n'avons pas le droit de nous r?signer ? la guerre perp?tuelle. Parce qu'elle continuera de contaminer toute la r?gion. Parce que son poison ne cessera de briser l'espoir m?me d'un ordre mondial. Une seule injustice tol?r?e suffit ? remettre en cause l'id?e m?me de la justice.

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