Figures de proue de la littérature marocaine : I- Driss Chraïbi

5437685854_d630fceaff_b-

2747
Partager :

Mustapha Saha, sociologue, peintre et photographe  compte  organiser au Salon du livre de Paris 2017 un hommage historique aux monstres sacrés de la littérature marocaine. Il s’agit d’une exposition sur laquelle il travaille depuis un an et il a adressé dans ce sens une lettre au ministre de la culture marocain, Mohamed Amine Sbihi une correspondance pour l’informer de la teneur et de l’intérêt de ce projet. L’exposition comportera des PEINTURES SUR TOILE, de même que des  FIGURES DE PROUE DE LA LITTERATURE  MAROCAINE PAR MUSTAPHA SAHA. Le Quid en publie une partie, le premier texte est consacré à Driss Chraïbi

Avec ses thématiques transgressives de tous les ordres établis, avec sa dénonciation des oppressions ordinaires dans une société marocaine machiste, despotique, fossilisée par des mœurs immuables, Driss Chraïbi surgissait, avec son premier roman « Le Passé simple », comme un ouragan balayant les vestiges d’une civilisation morte. Sa modernité insoutenable sapait les fondements d’une société archaïque qui survivait dans l’immobilisme, l’obscurantisme, la soumission, sous l’aile protectrice d’un colonialisme à bout de souffle. L’auteur révolté exaspéra les nationalistes agrippés à leurs valeurs vermoulues, qui virent en lui une incarnation du diable et le condamnèrent à mort par contumace. Sa critique radicale s’attaquait de front à une société patriarcale de façade, qui soignait ses apparences de respectabilité dans l’analphabétisme, dans la servitude, dans la trivialité, une société orpheline de ses traditions tribales égalitaires, allergique à l’autoritarisme, une société sevrée de sa propre culture orale, fécondatrice de liberté, respectueuse de la diversité sociale et de la dignité féminine. Son roman « Les Boucs » dévoile la face cachée du miroir, décortique la condition immigrée au scalpel. La souffrance chronique génératrice de violences verbales et physiques reflète la déculturation structurelle, le tarissement de la pensée, l‘anéantissement de la communication. L’immigré est une fabrication coloniale dès la révolution industrielle au milieu du dix-neuvième siècle, il est condamné à rester éternellement un immigré, un déraciné, rejeté par les autres et par les siens. Toute l’œuvre stylée, caustique, truffée d’humour noir de Driss Chraïbi s’inscrit dans cette ligne de fracture où l’observation sociologique aiguë n’épargne aucune vérité nue, aucune cruauté, aucun tabou.