Une nouvelle dérive populiste

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L’émotion au Maroc, comme dans certaines parties du monde, est forte après la décision de Donald Trump sur le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. C’est la tentative de récupérer cette émotion qui anime cette escalade verbale, au mépris des valeurs et des positions des uns et des autres

Même s’ils ne sont plus que quatre mille à vivre au Maroc, les juifs, depuis 2000 ans, font partie intégrante de la nation marocaine. Aujourd’hui que cela soit en France, au Canada, aux USA ou en Israël, ils mettent toujours leur marocanité en avant et défendent l’image et les intérêts de leur pays d’origine dans leurs pays d’accueil.

Le soutien au peuple palestinien est une cause juste qui fait un large consensus au Maroc. La diplomatie marocaine est l’une des rares, parmi les arabes, à ne pas instrumentaliser son soutien ferme, dans le cadre de la légalité internationale.

Dans ce contexte, certaines positions populistes prennent une ampleur particulière. Khalid Mechaâl, qui n’est plus le numéro un du Hamas, a été reçu par un grand nombre de partis. Il faut rappeler d’abord que le Hamas ne se situe toujours pas dans la perspective de la solution à deux États, il est responsable de la division palestinienne depuis son coup d’État à Gaza il y a dix ans.

Les modes d’action de ce mouvement, fort contestables dans leur essence, ont souvent été payés au prix fort par les populations. Enfin, Mechaâl et les siens ont un projet sociétal totalitaire et l’ont mis en place à Gaza. Au-delà de la cause palestinienne, il y a un vrai problème de valeurs, de vision politique qui devrait se poser.

Certains brandissent même l’idée de déchoir de leur nationalité marocaine, les juifs qui ont choisi de s’installer en Cisjordanie. C’est méconnaitre le code de la nationalité qui est inaliénable. Hassan II leur avait proposé publiquement une loi du retour, fait salué en son temps par l’OLP, mais surtout c’est une surenchère sans valeur parce que sans impact sur le conflit. Quel que soit l’attachement des juifs à leur marocanité, ils ne changeront pas leur vie par peur de perdre le passeport vert, qu’ils n’ont souvent même pas.

Ce qui est très inquiétant, c’est que des partis dits modernistes, ouverts, voire même laïcs, se lancent dans cette surenchère. L’émotion au Maroc, comme dans certaines parties du monde, est forte après la décision de Donald Trump sur le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. C’est la tentative de récupérer cette émotion qui anime cette escalade verbale, au mépris des valeurs et des positions des uns et des autres.

Cette attitude est funeste en Europe. Les droites républicaines, pour récupérer les peurs suscitées par les migrations, ont adopté les discours et les propositions des extrêmes. Ce sont ceux-ci qui en ont profité de manière claire.

Les gens préfèrent toujours l’original à la copie. C’est une leçon universelle qu’il vaut mieux retenir avant qu’il ne soit trop tard.

Pour être clair, que les islamistes reçoivent Mechaâl et fassent des propositions antisémites, cela relève de leur ADN. Ils partagent le même projet de société que le Hamas et sont pour la confessionnalisation du conflit. Mais les autres, ceux, qui en principe, ne partagent pas ces options auraient pu s’abstenir, ou au moins afficher publiquement leurs réserves sur les choix politiques du mouvement islamiste, tout en recevant Mechâal.

Cette dérive populiste démontre, une nouvelle fois, le manque de vision stratégique de nos hommes politiques. Ils préfèrent caresser les populations dans le sens du poil, plutôt que d’expliquer, convaincre autour de leur vision. Cela a pour premier impact de dissoudre leurs différences, puisqu’ils courent tous derrière la même perception du sentiment populaire. La seconde, c’est le renforcement du discours populiste et l’effacement progressif de tous les autres.

La cause palestinienne a trop longtemps souffert du double discours, y compris des dirigeants. La classe politique marocaine perpétue cette attitude de « La posture finit toujours en imposture », comme disait Jean d’Ormesson.

À méditer !

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