Une exigence d’éthique

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L’image de l’hémicycle vide, alors que les élus perçoivent des indemnités vingt fois supérieures au SMIG, ne peut que choquer la population. L’argument du populisme ne permet pas d’évacuer la réalité objective de cette exigence d’éthique. Les représentants du peuple, comme la femme de César, doivent être au dessus de tout soupçon

En France, l’affaire Fillon révèle un malaise profond. On lui reproche d’avoir employé son épouse et ses enfants en tant qu’assistants parlementaires avec des salaires conséquents. Les Français sont abasourdis en apprenant que cette pratique est à la fois courante et … légale. Ils en appellent à la morale, à l’éthique.

Indépendamment du cas du candidat à la présidentielle française, il faut bien relever que la transparence sur les privilèges, ou ce qui est perçu comme tel, des représentants et des hommes politiques, est un élément qui renforce la défiance populaire vis-à-vis de la classe politique. La crise économique, les difficultés de la vie quotidienne, mais aussi la fluidité de l’information qui rend impossible l’opacité telle que vécue par le passé, sont un vrai défi pour la démocratie représentative qui ne peut se perpétuer sans s’accommoder avec cette exigence populaire, celle de l’éthique.

Au Maroc, nous avons un débat de la même teneur, et dans des conditions encore plus pesantes, vu que les conditions de vie d’une partie de la population sont plus précaires et que la démocratie est encore en construction. Cependant, l’exigence d’éthique reste la même. La presse publie régulièrement des informations sur les différentes indemnités liées à l’action publique. Ainsi, une parlementaire, vice-présidente d’une région, membre d’un conseil de gouvernance, arrive à un revenu mensuel de 120.000 DH, soit plus que le salaire nominal du Chef du gouvernement. Ce n’est pas du populisme que de trouver que c’est trop cher payé. Le débat sur le rappel des parlementaires a montré des paradoxes saisissants. Faut-il payer des mois de non travail, alors que les grévistes voient leur salaire ponctionné pour chaque jour de grève ? C’est une vraie question. Il y a le cas des élus salariés qui ne touchent plus leur salaire depuis leur élection. C’est celui que le parlement avance, mais ils ne sont qu’une petite minorité.

En vérité, ce qui choque c’est l’attitude de ces hommes d’affaires qui refusent de restituer l’argent comme leur parti le leur a demandé. Ont-ils vraiment besoin de cette somme pour vivre, alors qu’ils ont dépensé dix fois plus lors de la campagne électorale ? Si on veut renforcer la construction démocratique, il faut mettre en place des mécanismes pour que l’engagement politique ne soit pas un mode de promotion sociale accélérée. Nous ne devons pas copier des expériences dont on voit les avatars aujourd’hui en France ou ailleurs. En-même temps, il est normal de donner à la représentation les moyens nécessaires pour remplir ses missions. Elle doit pouvoir faire appel à des experts, les rémunérer, parce qu’un représentant du peuple n’est pas omniscient. L’exigence d’éthique est un phénomène mondial, universel. Partout, les élections ont abouti à renvoyer les pouvoirs en place en signe de rejet des pratiques courantes.

Au Maroc, il faut y répondre pour renforcer l’adhésion populaire aux institutions représentatives. L’image de l’hémicycle vide, alors que les élus perçoivent des indemnités vingt fois supérieures au SMIG, ne peut que choquer la population. L’argument du populisme ne permet pas d’évacuer la réalité objective de cette exigence d’éthique. Les représentants du peuple, comme la femme de César, doivent être au dessus de tout soupçon. Faut-il leur rappeler que l’engagement politique, c’est du volontariat, du bénévolat, au service d’idées et non pas une carrière lucrative ?