Portrait de Georges Sand, Par Mustapha Saha

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LA NATURE S’EN VA…

« Il y a des heures où je m'échappe de moi, où je vis dans une plante, où je me sens herbe, oiseau, cime d'arbre, nuage, eau courante, horizon, couleur, forme et sensations changeantes, mobiles, indéfinies, des heures où je cours, où je vole, où je nage, où je bois la rosée, où je m'épanouis au soleil, où je dors sous les feuilles, où je vis avec les alouettes, où je rampe avec les lézards, où je brille avec les étoiles et les vers luisants, où je vis enfin dans tout ce qui est le milieu qui est comme une dilatation de mon être ».

« Entrer dans la nature, chercher l’oracle de la forêt sacrée et rapporter le mot, ne fût-ce qu’un mot qui doit répandre sur toute sa vie le charme profond de la possession de son être ! Cela vaut bien la peine de conserver les temples d’où cette divinité bienfaisante n’a pas encore été chassée ! »

« Mais, la forêt vierge va vite s’épuiser à son tour. Si on n’y prend garde, l’arbre disparaîtra et la fin de la planète viendra par dessèchement sans cataclysme nécessaire, par la faute de l’homme ».

« Car, il est temps d'y songer, la nature s'en va. Sous la main du paysan les grands végétaux disparaissent, les landes perdent leurs parfums, et il faut aller loin des villes pour trouver le silence, pour respirer les émanations de la plante libre ou surprendre le secret du ruisseau qui jase et qui coule à son gré ».

« Il y a un grand péril en la demeure, c’est que les appétits de l’homme sont devenus des besoins impérieux que rien n’enchaîne, et que si ces besoins ne s’imposent pas, dans un temps donné, une certaine limite, il n’y aura plus de proportion entre la demande de l’homme et la production de la planète. Qui sait si les sociétés disparues, envahies par le désert, qui sait si notre satellite que l’on dit vide d’habitants et privé d’atmosphère, n’ont pas péri par l’imprévoyance des générations et l’épuisement des forces trop surexcitées de la nature ambiante ? ». 

Georges Sand : Impressions et souvenirs, éditions Michel Lévy Frères, Paris, 1873.