Le miroir aux alouettes islamiste

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Confondre Akhannouch avec Benali, c’est confondre deux personnalités, deux parcours, deux contextes, deux pays. Le Maroc n’est pas la Tunisie, Aziz Akhannouch n’est pas Benali. Pris au premier degré, ce que je viens de dire est un truisme d’un simplisme abyssal. Mais…

Le raccourci est de taille. Il suffit d’apparenter le Rassemblement constitutionnel, appellation de l’alliance parlementaire entre le RNI et l’UC, à l’ex-Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Tunisie pour en déduire que les profils de Aziz Akhannouch et du président tunisien déchu, Zine Elabidine Benali, ne ferait qu’un.

A moins que ce ne soient les effets du souffre de la station thermale de Moulay Yaacoub où il tenait meeting de la jeunesse du PJD qu’il préside, il faut une bonne dose d’élucubration à Khalid Boukarai pour prétendre que le ministre en vue et richissime homme d’affaires œuvrerait à la reconduction au Maroc de l’expérience de Benali.

C’est confondre deux personnalités, deux parcours, deux contextes, deux pays. Le Maroc n’est pas la Tunisie, Aziz Akhannouch n’est pas Benali. Pris au premier degré, ce que je viens de dire est un truisme d’un simplisme abyssal. Il en va autrement quand on creuse un peu.

La Tunisie, jusqu’à la chute de Benali, est un Etat de parti unique qui ne tolère aucune divergence. Le Maroc a toujours été un pays pluraliste que la constitution de 1962 n’a fait que confirmer, même si le pouvoir a toujours eu tendance à s’exercer à partir du Palais. Néanmoins, l’opposition y a eu en permanence sa place même pendant les années de plomb, était écoutée et a joué dans ce sens un rôle important dans les évolutions du pays. Autrement le PJD ne serait pas actuellement au gouvernement.

Zine Elabidine Benali est l’enfant du parti unique, une mixture militaro-policière qui a construit toute sa carrière dans la répression jusqu’au grade de général et au coup d’Etat blanc contre Habib Bourguiba. Avec lui les Tunisiens ne respiraient pas. Un jour un ami tunisien m’a fait descendre en pleine nuit au milieu de la route qui mène à Carthage parce que j’avais critiqué son président. Plus tard il m’a expliqué en tête-à-tête qu’il avait peur que l’un de ses autres amis dans la voiture n’aille le dénoncer pour ne pas avoir réagi.

Une autre lapalissade. Le Rassemblement constitutionnel n’est qu’un groupe parlementaire parmi tant d’autres dans une enceinte où le PJD est prépondérant. A ma connaissance et jusqu’à nouvelle ordre, Aziz Akhannouch  n’a jamais été militaire et moins encore chef d’Etat. Son cursus universitaire est business et management qui lui a bien servi pour faire prospérer ses affaires. Point à la ligne.

La théorie sur l’égyptianisation ou la tunisianisation du Maroc à laquelle fait référence le secrétaire général de la jeunesse islamiste, est effectivement apparue en 2007, sous la plume de Mustapha Khalfi, alors rédacteur en chef d’attajdid proche du PJD. C’est son souffle qui se traduira plus tard dans la bouche de Abdalilah Benkirane par attahakoum. Elle exprime une idéologie exclusiviste et une pensée unique tendant perpétuellement à délégitimer la concurrence. Un miroir aux alouettes pour dissimuler leur propre hégémonisme.

Sur le terrain, cette théorie n’a aucun sens. Aux dernières élections législatives, le recul de l’Istiqlal, du RNI, du MP ou de l’UC ne s’est pas fait au profit du PJD, mais du PAM dont la montée ne s’est pas faite au détriment des islamistes d’El Othmani qui restent, quoi qu’ils en pensent, ultra minoritaire dans le pays. Ramené à l’ensemble des inscrits, leur score peine à dépasse les 10%

 

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