Fermeture des frontières : Déchéance de nationalité tacite pour les contestataires

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Le journal El Moujahid, porte-parole du pouvoir algérien, s’est fendu d’un éditorial à l’encre de son insolence consubstantielle. Evoquant, sans y être convié par une quelconque partie marocaine, la réouverture des frontières maroco-algériennes, il a écrit qu’elle « ne sera jamais à l’ordre du jour » tant que Rabat, qu’il préfère désigner par « le makhzen », à ses yeux une qualification infamante, ne présente pas ses excuses aux Algériens et n’indemnise pas ceux qui auraient été spoliés de leurs biens après les attentats de l’hôtel Atlas Asni de Marrakech en 1994 qui avaient conduit le Maroc à instaurer le visa pour les Algériens et l’Algérie à la fermeture des frontières. Il y ajoute une autre condition : Que le Royaume arrête sa supposée guerre des stupéfiants contre les sujets de la famille Bouteflika. Dans sa falsification des faits, le journal indique que les auteurs de l’attentat de Marrakech qui a causé la morts de deux touristes espagnols et blessé un troisième de nationalité française, était des franco-marocains, ce qui est une contrevérité puisqu’il s’agit de franco-algériens. Pour conclure, El Moujahid précise, afin qu’il n’y ait aucune ambigüité, que c’était là « la position officielle et la position du peuple algérien » qu’évidemment le pouvoir ne consulte jamais, même lorsqu’il s’agit de la réforme de la constitution de leur pays, si jamais c’est encore leur pays.

Cette sortie sans que le Maroc n’ait rien demandé peut étonner d’autant plus que la diplomatie marocaine, qui était un temps demandeuse pour tenter de baisser la tension dans la région, a changé son fusil d’épaule, se rendant compte qu’Alger interprétait cette quête comme des signes de faiblesse et allait crescendo dans le durcissement de son ton. Depuis, Rabat a adopté un autre langage, le seul qu’apparemment convient au pouvoir algérien et qu’il comprend bien. L’étonnement que suscite l’éditorial d’El Moujahid cesse toutefois lorsque l’on sait qu’en réalité il ne s’adresse pas au Maroc, mais à l’Algérie en interne. Animant samedi 13 février un meeting à Alger, Mohecine Belabbas, président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), a lancé un appel pour la réouverture de la frontière. Plus tard il signe et persiste dans une interview avec le journal El Watan dans laquelle il s’élève contre l’absence de démocratie en Algérie et évoque la possibilité pour les partis de l’opposition de « construire un rapport de force,» avec le pouvoir, qui leur serait favorable. Interrogé sur son appel, Mohcine Belabbas, qui considère que la liaison entre la fermeture des frontières et le trafic de drogue constitue des«tentatives de manipulation de l’opinion, orchestrées par des acteurs de la police politique», ne se laisse pas démonter : « Il est important pour les différents acteurs politiques, souligne-t-il, d’oser ce débat. » Une audace qui fait peur au pouvoir algérien et qu’il ne peut tolérer, tant est flottante sa légitimité érigée sur des soubassements de faux et d’usage de faux. D’où son recours dans sa mise au point à la voix du peuple. Dont sont exclus Belabbas, le RCD et leurs semblables. Ce qui, in fine, revient à une déchéance de nationalité qui ne dit pas son nom.

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