En réponse à Jamal Berraoui

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Cette élection n’est similaire à nulle autre. Désemparés, les Français n’ont que rarement voté par adhésion. L’essentiel des votes étaient tactiques. Réponse.

La radicalité de mon ami Jamal Berraoui me surprendra toujours. C’est d’ailleurs ce qui fait, le plus singulièrement, son charme. Je trouve cependant qu’il pousse un peu loin le bouchon. Certes Mélenchon, Cyrano de Bergerac de la présidentielle 2017, fut le plus chevronné et le plus talentueux de  la galaxie des candidats. Il est même plus que certain qu’il a, en partie, endigué l’engouement autour d’une Marine Le Pen, en passe de réussir sa dédiabolisation, chez les jeunes en particulier.  Inspiré par le printemps arabe, il a recyclé la théorie du « dégagisme » prompte à précipiter l’écroulement des grandes figures du paysage politique français : Sarkozy, Juppé, Fillon, Valls… sans compter les autres sortants. Excusez du peu.

S’il y est pour quelque chose, il n’est pas le seul. Cette élection n’est similaire à nulle autre. Désemparés, les Français n’ont que rarement voté par adhésion. L’essentiel des votes étaient tactiques. Ils ont voté pour éliminer. Les primaires de gauche comme de droite ont fonctionné comme des laminoirs. Le vote Fillon a servi pour se débarrasser  de Sarko et celui de  Hamon pour écarter Valls. Les affaires se sont chargées du reste. C’est ce qui a donné ce second tour inédit.

Seulement voilà, la position de Mélenchon pour le deuxième tour obère un peu son admirable image. Par calcul politique, il enjambe un scrutin. Il a dans sa ligne de mire les législatives de juin où il entend, après  avoir dépouillé le parti communiste, plumer la volaille socialiste. Ainsi, il deviendra le chef de file de l’opposition. Il est, en ce sens, le bon élève de Mitterrand.

Pendant ce temps là, Macron continue sa «  marche » vers la consécration. Macron « la bulle » ; Macron « le système » ; Macron « le candidat de la casse sociale » ; Macron le banquier de chez Rothschild, argument suspicieux de l’extrême droite, déjà utilisé contre Pompidou, rarement contre Henry Emmanuelli qui en provenait aussi, c’est ce Macron là qui, parti de rien et après un parcours vertigineux,  s’apprête à rentrer dans l’Histoire. On retiendra de lui d’être, exception faite de Bernard  Tapie,  celui qui est allé jusqu’au bout d’une lutte contre l’extrême-droite, loin d’être gagnée d’avance. Dans ce combat de corps à corps, Il a désormais  à son actif un trophée : le scalp de Marine Le Pen. Il est sorti vainqueur d’un débat salissant où se sont opposées  démagogie et pédagogie. La candidate de l’extrême droite est apparue haineuse, crâneuse, ricaneuse et fielleuse. Macron, par petites touches,  a fini par nettoyer le fond de teint de la dédiabolisation avec lequel Marine Le Pen a vainement tenté de faire oublier qu’elle est toujours la fille de son père. Macron l’a démaquillée. Il l’a démonétisée. Et il est fort à parier qu’elle aura beaucoup de mal à s’en relever.

Le peuple français est un grand peuple. Il aurait pu, avec ce qu’il a vécu comme tragédies ces deux dernières années, s’aventurer dans le choix de la haine, ne serait-ce que par vindicte et désir de vengeance. Il n’en est rien. N’en déplaise à Zemmour et consorts. Et donc demain, comme des millions de français, entre le naufrage et la banque, je vote la banque.

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