Benkirane, le chameau et les chameliers

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Pendant cinq ans on s’est amusé, mais le temps de siffler la fin de la récréation est arrivé. Abdalilah Benkirane doit vendre autre chose aux Marocains que l’incapacité de gouverner dans laquelle on l’aurait mis en permanence

Le trouble bipolaire est une maladie mentale qui se signale, grossièrement, par un déroulement de la vie en deux pôles. Dans l’une de ses phases elle se manifeste par « un épisode d’excitation pathologique : le sujet qui en souffre est hyperactif et euphorique, inhabituellement volubile et fait de multiples projets. Il est alors susceptible de présenter divers troubles comportementaux, perdre toute inhibition » et peut alors dire n’importe quoi, le dicible et l’indicible. Je n’ai pas trouvé mieux que ce recours à des pathologies psychiques pour qualifier la législature qui vient de se terminer et de celui qui en a été le principal acteur, souvent la vedette, Abdalilah Benkirane. Ambivalent, un pied dedans un pied dehors, pendant cinq ans il nous a été donné de voir un chef de gouvernement qu’on ne savait plus s’il était le chef de la majorité ou de l’opposition. Son narcissisme patent a été nourri par l’écho enthousiaste que son populisme trouve chez une bonne partie de la population. Beaucoup de faux pas, de nombreux impaires de ce quinquennat ont été mis sur le compte de l’inexpérience dans la gestion des affaires publiques, mais à la longue ce positionnement sur deux chaises a fini par lasser d’où les bruits sur l’irritation du Roi à son égard et des recadrages pour remettre de l’ordre dans la cacophonie ambiante.

Pendant cinq ans on s’est amusé, mais le temps de siffler la fin de la récréation est arrivé. On devrait pouvoir calmer ces troubles bipolaires et ramener les choses à leur état normal. Abdalilah Benkirane doit vendre autre chose aux Marocains que l’incapacité de gouverner dans laquelle on l’aurait mis en permanence. Il serait insupportable qu’il persiste à déclarer que c’est le Souverain qui gouverne et que lui se limite à exécuter pour dire ensuite qu’on l’empêche de travailler. Ce double langage est une manière indélicate de prendre le beurre et l’argent du beurre. C’est précisément ce discours « ambigu » qui permet à ses adversaires d’argumenter la thèse qui veut que Benkirane et ses amis ne sont là que pour faire de l’entrisme, infiltrer l’Etat, utiliser ses moyens pour islamiser à leur façon la société, éroder le pouvoir royal et le moment venu renverser la table exactement comme l’a fait Erdogan en Turquie.

Ce qui relève des prérogatives du Roi garant de la constitution est clair : La sécurité intérieure et extérieure du Royaume, le champ religieux, les choix sociétaux du pays, ses grandes orientations économiques et ses équilibres culturels, ethniques et régionaux, la sauvegarde des libertés individuelles et collectives etc. Toute tentative de rabotage progressif de ces prérogatives par l’ambivalence d’un discours pernicieux démentirait les assurances du secrétaire général du PJD sur son attachement aux valeurs suprêmes du pays, à l’institution monarchique et à la stabilité du Royaume. Abdalilah Benkirane est un animal politique redoutable doué d’un instinct du même nom que plus personne ne lui conteste. A ce titre il doit bien connaitre l’adage marocain qui dit : « ce qu’il y a dans la tête du chameau et dans celle des chameliers ».

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