Au-delà du sport

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Ce qui ne devait être qu’un match de football, un derby certes, mais juste un match, s’est transformé en un événement à portée internationale, relayé par plusieurs médias. Le scénario de la rencontre RAJA-WAC était exceptionnel. Les joueurs ont invoqué Hitchcock. Le public des verts a, lui, invité Orwell au match, avec le tifo Room 101 qui fait référence au roman 1984.  Ceux qui méprisaient les fans du foot en sont abasourdis.

Ces messages ont une portée qui dépasse largement les résultats. Ils expriment les attentes d’une jeunesse qui fait honneur au pays. D’abord il y a une créativité extraordinaire, soutenue par une culture que l’on ne soupçonnait même pas. La jeunesse-bashing, ces préjugés malsains, ne résistent pas à l’épreuve des faits.

Or quels sont les fait ? Les chansons et les tifos nous racontent une jeunesse qui a soif d’égalité, de liberté, mais qui s’inscrit dans un projet collectif. Les drapeaux et l’hymne national sont plébiscités sur tous les stades. Ces jeunes utilisent ces arènes sportives pour nous signifier qu’ils attendent un autre projet de société, que Le Roi Mohammed VI a lui-même réclamé haut et fort . Ils le font de manière artistique, ingénieuse, dans la gaieté. Le tifo des Rajaouis est passé en boucle même sur des chaines comme Russia Today. Il faut être aveugle pour ne pas saisir la portée d’un tel message.

De tous temps et en tous lieux, la jeunesse est contestataire. L’humanité a progressé parce que les enfants veulent toujours plus que leurs parents. Les réflexes frileux n’ont pas lieu d’être. Il faut, au contraire, valoriser cette contestation pacifique, éclairée et joyeuse. Les perturbateurs sont une infime minorité. Notre jeunesse est saine et porteuse d’espoir.

Mais pourquoi est-ce que les stades sont devenus le réceptacle de cette expression ? Les partis politiques n’attirent plus cette force vive, c’est une réalité. Le stade réunit, dans une ambiance exubérante et surtout fédératrice, parce qu’il s’agit de couleurs et de drapeaux. Au-delà du sport, c’est le vivre ensemble qui est célébré. Ne pas se tromper sur cette appréciation est une nécessité vitale.

Malheureusement, cela tranche avec le comportement des élites. Une partie du patronat met ses intérêts catégoriels au-dessus des intérêts de la Nation. Les intellectuels ont déserté l’Agora et ne mènent plus aucun combat sociétal, ou alors trop rarement et timidement. Les politiques ont oublié que la chose publique n’est noble que quand elle est structurée par un projet de société.

La fougue de cette jeunesse est une ressource extraordinaire. Si on l’accompagne, la canalise, c’est la régénération du projet national qui est assurée. Encore faut-il commencer par le commencement : écouter ces cris, entendre ces complaintes, soutenir ces aspirations, maintenir ces espérances.

Ce match au scénario historique a été un événement. Si on en saisit la portée, on mettra la jeunesse à l’avant-garde de toutes les constructions. C’est le meilleur gage de réussite. Notre jeunesse connait son cap, elle est merveilleuse, soutenons-la au lieu de la regarder de haut.

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