Une histoire de moutons

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L’heure est grave, le bocal islamiste est tout agité par une histoire de mouton comme seul l’islamisme peut en inventer. Elhassan Benbrahim Eskanfal, président du Conseil Régional des Oulémas de Skhirat-Témara prend sur lui, alors que légalement il n’en a pas la qualité, d’absoudre de tout pêché le crédit bancaire, donc forcément usurier, contracté afin de s’offrir un mouton pour l’aïd du sacrifice, qui porte si bien son nom. Sa fatwa autoproclamée se fonde sur un argumentaire à double portée, religieuse à la gloire d’Ibrahim et de son fils Ismail, et sociale avec l’objectif de distiller un peu de joie et de bonheur dans les familles démunis, l’occasion aussi de leur permettre de manger de la viande, peut-être.

Son homologue d’Oujda, Mustapha Benhamza, n’est pas entièrement de cet avis : On ne se rapproche pas de Dieu en commettant un pêché (ce qui est le comble de l’art de moutonner  des évidences), d’autant que, précise-t-il, la religion ne contraint pas le musulman, encore heureux, à s’endetter pour ce bel oxymore, la fête du sacrifice. Cependant et si toutefois il peut emprunter sans trop se mettre dans la gêne financière, il n’est pas très très prohibé de recourir aux prêts.

Hassan Kettani, une figure de proue, semble-t-il, du salafisme marocain est sans équivoque, lui, et somme le gentil islamiste de Skhirat-Témara de se renier. Les intentions de Kettani sont bonnes et, contrairement à une idée reçue, pavent pour Eskanfal le chemin du paradis. Le conseil du salafiste n’a pour objectif que d’éviter à son frère en Islam d’assumer devant l’éternel la responsabilité des actes de ceux qui suivraient sans y réfléchir à deux fois sa fatwa.

Le ministère des Habous et des Affaires islamiques patronné par l’heureux Ahmed Taoufik, c’est de haut qu’il contemple ce magma d’idées plus braisées les unes que les autres. Comme à son habitude, il tranche dans le vif tout en restant hors sujet : Il n’y a qu’une unique instance de jurisprudence islamique au Maroc, le Conseil supérieur des Oulémas, seul habilité à montrer le mal et à indiquer le bien.

Une bonne indication sans doute. Mais si déjà les présidents des succursales régionales de ce conseil n’en font qu’à leur tête, y aurait-il encore quelqu’un dans l’avion pour l’entendre, à défaut de l’écouter ? Et c’est là qu’une banale histoire de moutons qui prêterait à rire s’emplit de gravité dévoilant mine de rien l’usure qui enflamme le débat sur les taux d’intérêt en même temps qu’elle use et émousse les esprits.