Taoufiq Bouachrine et la femme de César

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Dans ce que l’on peut désormais appeler l’affaire Taoufik Bouachrine, qui juge-ton ? Le présumé violeur-harceleur-abuseur ? Ou le journaliste sans concession au ton excessif ? C’est selon. Selon que l’on est partisan de ses éditoriaux pourfendeurs à tout bout de champ, ou, adeptes du génie de la modération, lassés par ses écrits péremptoires et sa posture donneur de leçons  sur tout, à tous et tous les jours.

Les mi-figue mi-raisin avanceront que s’il est dans la tourmente, c’est certainement pour l’ensemble de son œuvre.

Dans ce contexte, et jusqu’à ce que son innocence ou sa culpabilité soit avérée,  il est difficile de ne pas succomber à la tentation de dire que les positionnements du journaliste ont desservi l’homme qui porte l’accusation de Casanova de la presse marocaine et inversement.

Depuis ses premiers pas dans l’univers trouble de la presse marocaine, Bouachrine est à la recherche d’un espace à part et exclusif. Au fil des alliances et des mésalliances, de scissions en ruptures, il finira par le trouver dans Akhbar Al Youm, enfin débarrassé de ses commerces avec Rachid Ninni et Ali Anouzla.

Sa ligne éditoriale n’a jamais été rectiligne. Sa rencontre avec Moulay Hicham le placera sous la lumière. Une rencontre qui se termine mal, le prince, pour des raisons obscures, finissant par déclarer à la presse lui avoir « prêter » de l’argent pour lancer une entreprise.

Pendant le mouvement du 20 février, il chante les louanges du milliardaire Miloud Chaabi, décédé depuis, qui, croyant le vent tourner, s’était rangé aux cotés de la contestation.

Entre les lignes de ses écrits, on pressent une sympathie pour le Qatar de la tempête printanière qui a ouvert la voie à l’aventure islamiste et au chao.

Après les législatives de 2011, il devient un adversaire acharné de l’ancien chef du gouvernement, Abdalilah Benkirane « coupable » de céder sur ses prérogatives constitutionnelles. Et c’est l’autre péjidiste, Mustapha Ramid, ministre de la justice, qu’il va se mettre à caresser dans le sens du poil avant de se retourner contre lui et contre les autres pour nourrir l’entêtement de Benkirane lors de la formation du gouvernement qui va finir par échoir à Saâdeddine El Othmani.

On peut continuer longtemps ainsi, mais on peut résumer Taoufiq Bouachrine par sa rare constante : là où il y a le feu, il y ajoute de l’huile. Journaliste et éditorialiste de talent, cultivé et curieux des choses, il a oublié en cours de route - péché d’orgueil ? - qu’on peut expliquer sans brusquer, analyser sans rudoyer, dénoncer sans insulter, conseiller sans frimer et porter la bonne parole sans prétention.

Il a surtout oublié que quand on fait les choix qui sont les siens, on doit être à l’image de la femme de César, insoupçonnable et vivre pareil à l’enfant de la Sainte Vierge, paré dans sa chasteté telle que célébrée par les Chrétiens.