Sahara : Un apparatchik algérien récidiviste sort ses cymbales

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C’est un coup de tonner dans le ciel agité de l’Algérie qu’a fait résonner la semaine dernière Amar Saadani. L’ex-secrétaire général du parti du pouvoir depuis l’indépendance, le FLN, a fait beaucoup de bruits en disant des vérités que le régime a toujours niées : 1/ d’un point de vue historique, le Sahara est marocain et rien d’autre. 2/ l’Algérie a versé pendant cinquante ans des sommes faramineuses à ce qui est appelé le Polisario inutilement. 3/ Le Polisario n’a rien pu contre le Maroc. 4/ L’argent versé au Polisario, avec lequel ses membres se baladent depuis cinquante ans dans les hôtels de luxe, doit revenir à Souk Ahras, El Bayadh, Tamanrassset et autres villes algériennes. 5/ La relation entre l’Algérie et le Maroc est plus grande que cette question.

Il faut prendre les déclarations de Amar Saadani pour ce qu’elles sont, une confirmation de ce que le Maroc a toujours dit. L’affaire du Sahara est d’abord une affaire du pouvoir algérien. Elle ne peut être résolue sans son implication directe.

Amar Saadani a beau avoir commencé sa carrière comme pompiste et exercé comme drabki dans un orchestre, dans la galaxie du pouvoir algérien il n’est pas n’importe qui. C’est un apparatchik type de la nomenklatura du pays. Outre d’avoir été de 2013 à 2016 patron du FLN, il a présidé l’APN, la chambre basse du parlement algérien, de 2004 à 2007. Dès 1998, alors que l’armée préparait un successeur au général-président Liamine Zeroual, il s’affiche comme l’un des principaux fers de lance du bouteflikisme qui va régner sans partage pendant 20 ans sur l’Algérie. Il a été très proche de la sécurité militaire (DRS) et les services n’ont pas de secrets pour lui. Fonceur forgé dans le syndicalisme, il est le premier à ouvrir le feu en 2015 sur le tout puissant général Médien, dit Toufiq, l’omnipotent patron des services, faiseur et défaiseur des rois. L’histoire se terminera par le limogeage, déguisé en départ à la retraite, du général actuellement en bonne compagnie de Saïd Bouteflika dans la prison d’El Harrach.

Même si on peut imaginer que leurs relations se sont distanciées, Amar Saadani est proche du général Gaïd Salah, actuel numéro un algérien, qu’il continue de défendre en le qualifiant de porteur du « projet de l’Etat nationaliste ».  Lorsqu'il fut nommé à la tête du FLN, Gaïd Salah lui adressa une lettre particulièrement chaleureuse. Dès lors une question s’impose : quel crédit et quel impact accorder à sa sortie, sans doute mûrement réfléchie, sur le Sahara ? 

 A en juger par la réaction de la presse, Al Watane, l’Expression ou encore Algérie patriotique, proche des différentes obédiences du pouvoir et qui n’a pas hésité à la qualifier de « traitre », les déclarations de Amar Saadani reviennent à une remise en cause d’un dogme constitutif du pouvoir algérien et de la doxa qui va avec. C’est comme si demain le secrétaire général de l’Istiqlal faisait une sortie analogue sur les fondamentaux du Maroc. Encore que Nizar Baraka ne présente pas la même consubstantialité à la monarchie marocaine que celle de Amar Saadani a avec le pouvoir algérien.  

Il est concevable que l’ex-secrétaire général du FLN ait fait cette sortie, comme tente de le créditer une partie de la presse algérienne, en fonction de calculs de politique intérieure pour se dégager d’une sellette financière sur laquelle le met son passé « sulfureux ». Seulement Amar Saadani n’en est pas à son premier essai. C’est un récidiviste. En novembre 2015, il y a déjà fait allusion en déclarant s’abstenir d’aller plus loin car sujet à crispation. Quelques mois plus tard il a été débarqué du FLN sans que l’on puisse établir s’il y avait cause à effet. 

Qu’importe ! Il faut prendre ses déclarations pour ce qu’elles sont, une confirmation de ce que le Maroc a toujours dit. L’affaire du Sahara est d’abord une affaire du pouvoir algérien. Elle ne peut être résolue sans son implication directe.