Le roi, Erdogan et la peine de mort

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Une vie, celle de Khadija, mérite reconstitution par un auteur de talent tant elle comporte tous les ingrédients du best Seller. Un bon réalisateur pourrait en faire aussi un grand succès au box office.

Condamnée à mort à l’âge de 21 ans pour le meurtre de son mari, elle a vu sa condamnation à mort transformée en condamnation à perpétuité sur grâce royale, puis commuer en peine déterminée, un pas nécessaire à la grâce totale. Ce que le roi Mohammed VI ne manqua pas de faire, réduisant ainsi le séjour effectif de Khadija en prison à 22 ans.

L’histoire de la grâce de Khadija rappelle à tous ce qu’est, à la base, la mission principale de l’incarcération : la rééducation et la réhabilitation en vue de la réintégration des détenus dans la vie normale.

Dans les milieux du Conseil National des Droits de l’Homme on précise que cette grâce n’a pas figuré sur la liste habituelle des graciés de la fête du trône. Elle s’est faite à part comme pour souligner sa particularité. En nous l’assurant, ces milieux veulent y voir un geste royal qui abonde dans le sens de l’abolition de la peine capitale pour laquelle milite une partie de la société marocaine.

De plus en plus de citoyens du monde la réclament et de plus en plus de pays y adhèrent : 103 pays ont aboli la peine de mort pour tous les crimes, 6 l’ont aboli pour les crimes de droit commun. Certains comme le Maroc, 32 en tout, observent un moratoire : On condamne mais on n’exécute pas. Aux Etats-Unis, sur les cinquante Etats qui constituent cette république fédérale, seulement 17 l’ont aboli. Ce qui fait de l’abolition une exigence fondamentalement de l’Union Européenne. Et c’est en vue d’y adhérer que la Turquie y a mis fin pour tous les crimes en 2004.

Le pays d’Erdogan fait ainsi partie des trois ou quatre pays musulmans qui ont franchi ce cap. Toutefois c’est une situation qui ne risque pas de durer. Profitant de l’échec du coup d’Etat, le président turc songe à son rétablissement. Au dernier meeting qui a rassemblé des dizaines de milliers de ses partisans, il a déclaré sous les applaudissements d’une foule en extase que « si le peuple veut la peine de mort, les partis suivront sa volonté ». Le président turc n’ignorant rien de la psychologie des foules* et de leurs comportements irraisonnés, fait dire au peuple ce que lui veut pour disposer de l’arme suprême afin de faire taire toute voix discordante.

* On sait l’usage extrême qu’en ont fait Hitler et Mussolini. L’un a donné le nazisme, l’autre le fascisme qui n’en est qu’une variante. Je n’affirmerai pas qu’Hitler et Mussolini sont seuls responsables de l’atroce seconde guerre mondiale, mais dans le recours à l’atrocité ils ont été des maitres.