''Où sont-ils ?'' : Les disparus de la dictature chilienne toujours introuvables

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Il y a 43 ans, Cesar Cerda, membre du Parti communiste chilien, ?tait arr?t? en pleine dictature d'Augusto Pinochet. Comme lui, un millier d'anciens opposants sont toujours port?s disparus, malgr? la qu?te sans rel?che de leurs proches.

Le 19 mai 1976, Cesar Cerda, 47 ans, mari? et p?re de trois enfants, ?tait arr?t? apr?s des mois de pers?cution par le r?gime chilien, d?cid? ? ?liminer les responsables du Parti communiste.?

"O? est-il? O? est son corps? On passe notre vie ? se poser la question", raconte ? l'AFP sa fille Juana Cerda, 62 ans, devant le m?morial qui rend hommage aux 3.200 morts et disparus de la dictature, dans le cimeti?re principal de Santiago.?

Avec sa m?re, elle a parcouru h?pitaux, commissariats, morgues, centres de d?tentions et casernes militaires, sans trouver de r?ponse ? cette lancinante question. Tout comme d'autres ?pouses, enfants, fr?res ou soeurs des disparus des ann?es les plus sanglantes de la dictature chilienne (1973-1990) durant laquelle 38.000 personnes ont aussi ?t? tortur?es.

"Cette qu?te a ?t? tr?s douloureuse. Ma m?re a fait une gr?ve de la faim, elle s'est encha?n?e. Cela a compl?tement boulevers? notre vie", confie Juana qui continue ? chercher ce p?re dont elle sait seulement qu'il est pass? par les centres de torture Villa Grimaldi et Simon Bolivar, dans les environs de la capitale.

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L'histoire n'est gu?re diff?rente pour la famille d'Eduardo Campos, du Mouvement de la gauche r?volutionnaire, arr?t? en 1973. "On a cherch? pendant des ann?es et nous n'avons rien", raconte ? l'AFP sa soeur Silvia, qui a poursuivi les recherches apr?s la mort de leur m?re en 1994.?

Son cas est encore plus dramatique. En 2006, le service de m?decine l?gale a inform? la famille que le corps identifi? comme celui de son fr?re n'?tait pas le bon. Inhum?, il a d? ?tre d?terr? et la famille a d? repartir de z?ro.?

Intensifier, acc?l?rer?

Sur les 1.100 personnes officiellement enregistr?es comme disparues, ? peine 104 ont ?t? retrouv?es.?

Selon les familles des victimes, cela est d? au d?sint?r?t des gouvernements successifs et, pour elles, l'arriv?e ? la pr?sidence en mars 2018 du conservateur Sebastian Pinera n'a rien arrang?.

"Je crois que ce gouvernement (...) non seulement ne s'y int?resse pas, mais boycotte toute avanc?e dans ce sens", accuse Lorena Pizarro, pr?sidente du Groupe des familles des d?tenus disparus, elle-m?me fille de Waldo Pizarro, disparu en 1976.

Peu avant de passer la main, fin 2017, la pr?sidente socialiste Michelle Bachelet, elle-m?me victime de torture pendant la dictature, a lanc? un programme baptis? "Recherche et destination finale des d?tenus disparus", dont les r?sultats sont attendus pour 2021.

"Le travail dans ce domaine est poursuivi et approfondi. Nous avons manifest?, en toute occasion, notre engagement dans ce domaine", s'est d?fendue dans un courriel la sous-secr?taire aux droits de l'Homme, Lorena Recabarren, apr?s avoir refus? un entretien avec l'AFP.

Selon le sous-secr?tariat, fin 2018, 451 personnes ?taient poursuivies pour des ex?cutions, correspondant ? 851 victimes, et 266 pour des disparitions, soit 618 victimes.?Depuis d?but juin, deux avocats examinent les cas de 355 victimes qui ne font l'objet d'aucune proc?dure.?

Dans un rapport r?cent, le Comit? sur les disparitions forc?es du Haut-commissariat de l'ONU pour les droits de l'Homme, s'est dit toutefois pr?occup? par le petit nombre de victimes localis?es et a recommand? au Chili "d'intensifier ses efforts pour ouvrir des enqu?tes ou acc?l?rer celles en cours".

"Jusqu'? notre mort"?

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"Il est difficile de retrouver les prisonniers disparus si on pense que l'objectif ?tait pr?cis?ment de les faire dispara?tre sans laisser de trace", rappelle Elizabeth Lira, de l'Universit? Alberto Hurtado.

Beaucoup de corps ont ?t? dynamit?s et environ 180 personnes ont ?t? jet?es ? la mer depuis des avions.?

Les associations des familles accusent l'arm?e de d?tenir toutes les informations, mais de refuser de les donner au nom d'un "pacte de silence".?

"C'est une blessure qui ?corche la conscience nationale", rappelle Lorena Pizarro, qui r?clame des "signaux politiques d?montrant que le Chili refuse l'impunit?".?

En plus des familles, une dizaine de magistrats enqu?tent sur le sujet et une unit? sp?ciale du service de m?decine l?gale travaille sur l?identification des rares restes retrouv?s, m?me si le passage du temps et leur caract?re fragmentaire complique sa t?che.

"La technologie est disponible, mais l'information et la qualit? de l'information avec laquelle nous travaillons est tr?s variable", explique Marisol Intriago, ? la t?te de l'unit? qui travaille actuellement ? l'identification de 45 victimes pr?sum?es.?

Le service conserve 4.000 ?chantillons de sang et 1.800 d'os provenant des familles de disparus pour s'assurer que les recherches se poursuivront malgr? les d?c?s des proches.

Les familles ne baissent pas les bras. "Nous allons poursuivre la lutte jusqu'? notre mort", promet Juana Cerda.?

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